1854-1856 La guerre de Crimée
Soldats de Liorac

page mise en ligne le 10 avril 2024      
LE CONTEXTE HISTORIQUE :
Après l'abdication de Louis Philippe, la Seconde République a été proclamée et lors de l'élection présidentielle du 10 décembre 1848 au suffrage universel masculin Louis-Napoléon Bonaparte, le neveu de Napoleon 1er, s'est largement imposé face aux candidats républicains : il devient alors pour quatre ans le premier président de la République française. Mais il ne peut être réélu et c’est par un coup d’État, qu'il s'impose en obtenant d'abord le prolongement de son mandat présidentiel et quelques mois plus tard, en rétablissant l'Empire. Il prend le nom de Napoléon III, empereur des français : c'est le Second Empire.
L'empereur dirige seul la politique étrangère du pays. Il veut redonner à la France la position prédominante qu'elle avait avant la défaite de Napoléon 1er à Waterloo (traité de Paris en 1815) et souhaite que le pays rayonne outre-mer, d'où les multiples expéditions coloniales.
Ainsi la France a été en guerre tout au long du Second Empire, depuis son institution en 1852 jusqu'à sa chute au cours de la Guerre franco-allemande de 1870 :
de 1853 à 1856, la guerre de Crimée oppose l'Empire russe à une coalition formée de l'Empire ottoman, de l'Empire français, du Royaume-Uni et du Royaume de Sardaigne. Provoquée par l'expansionnisme russe : le tsar Nicolas 1er voulait assurer la protection des lieux saints et des chrétiens orthodoxes dans l’Empire ottoman, étendre l'influence de la Russie dans les Balkans et se saisir des Détroits (Bosphore et Dardanelles) donnant l'accès à la Méditerranée. Le conflit se déroule essentiellement en Crimée autour de la base navale de Sébastopol et s'achève par la défaite de la Russie, entérinée par le traité de Paris de 1856.
de 1856 à 1860, la seconde guerre de l'opium, est une guerre coloniale qui a opposé l’Empire britannique et l'Empire français (soutenus par les États-Unis et la Russie) à la dynastie chinoise Qing.
Les traités qui la terminent permettent aux Européens de développer leur commerce dans toute la Chine et d'y importer de l'opium (la Compagnie britannique des Indes avait en effet obtenu le droit de culture de l'opium au Bengale et ce commerce vers la Chine était essentiel pour soutenir l'économie anglaise) Le commerce de l’opium est légalisé et es droits civils des chrétiens sont reconnus.
de 1858 à 1852 la Campagne de Cochinchine : elle commença comme une expédition punitive franco-espagnole limitée et se termina en guerre de conquête française. Elle se conclut par la colonisation française de la Cochinchine, prélude à presque un siècle de domination française au Viêt Nam.
1859 la Campagne d’Italie voit s'affronter les armées de l'Empire français et du royaume de Sardaigne à celles de l'empire d'Autriche. Cette campagne victorieuse libère les Etats italiens de la domination autrichienne et permet de rattacher la Savoie et Nice à la France, de réunir la Lombardie au royaume de Sardaigne et de poser les bases de la constitution du royaume d'Italie.
de 1860 à 1861 L'expédition en Syrie à la suite de massacres de chrétiens au mont Liban et à Damas, a pour but de rétablir l'ordre dans cette partie de l'Empire ottoman.
de 1861 à 1867 L'expédition militaire française au Mexique avait pour objectif de mettre en place au Mexique un empereur européen catholique et conservateur (Maximilien de Habsbourg) favorable aux intérêts français. Cette campagne se solde par un échec pour la France.
en 1866 L'expédition en Corée est dirigée contre le Royaume coréen essentiellement pour des raisons religieuses : des missionnaires français ont été exécutés et les catholiques persécutés .
19 juillet 1870-29 janvier 1871 Guerre franco-allemande, Victoire allemande et fin de l'Empire français
Histoires de Liorac : les temps modernes
1800-1940 Démographie et mortalité infantile à Liorac.
1811-1911 Les pavés de grès de la forêt de Liorac.
Les carriers de Liorac.
1824 De la fausse monnaie circule à Liorac.
1834 le maire mène l'enquête.
1835, les réponses du maire, F. Beneys, à l'enquête
de Cyprien Brard donnent une image détaillée de Liorac :

          L'agriculture en 1835
          L'industrie en 1835
          Hygiène et santé publique en 1835
          Antiquités et Curiosités en 1835
1848-1849 Troubles à Liorac lors de l'élection du premier président de la République au "suffrage universel".
1846-1936 : Evolution des métiers au bourg de Liorac.
1852, l'agriculture à Liorac (enquête statistique)
1853-1854 : de quoi mourrait-on à Liorac ?
1854-1856 : soldats de Liorac pendant la guerre de Crimée
1836-1863 La formidable aventure de la route n°27
          le grand chambardement du bourg
          la naissance du haut Liorac
1876-1904 Construction de la maison d'école
1870-1871 : une guerre oubliée. Soldats de Liorac
1888 Une histoire de loup à Liorac.
1883 Les problèmes d'ordures à Liorac ne datent pas d'aujourd'hui !
1894 L'école de filles à Liorac devient école laïque.
1897-1965 Le bureau de poste de Liorac
1902 Le curé Tafforeau au moment des élections.
Vers 1905, c'était encore le temps des loups à Liorac.
1913 Les pilules roses pour personnes pâles.
1913-1969 L'adduction d'eau, un marathon de plus de 45 ans :
    Avant l'adduction d'eau, les puits.
    1913-1914, une première tentative
    D'une guerre à l'autre
    1958, l'eau arrive enfin dans le bourg !
  1959-1969,10 ans de plus pour alimenter tous les     hameaux
1917 Haro sur les nuisibles.
1914-1918 : la guerre
1919-1965 L'autobus de Liorac.
Vers 1920, la laiterie des Bigayres
1922 Le Monument aux morts de Liorac.
1925 L'électrification du bourg.
La terrible année 1944 en Dordogne
1939-1945 Deux "Morts pour la France" à Liorac.
1940-1945 Maurice Sarazac, Compagnon de la Libération.
22 juin 1944 : les troupes allemandes à Liorac.
1813-1975 : Médaillés de la Légion d'honneur à Liorac
1950-1965 La tournée de Denise.
Dans les années 50, l'épicerie Carbonnel.
Dans les années 50, la boulangerie Chassagne.
Dans les années 50-60, la fête à Liorac.
1961 Le tour de France passe pour la première fois à Liorac.

1854-1856 LA GUERRE DE CRIMÉE
(Les croix rouges indiquent les hôpitaux de la région)
UNE CATASTROPHE SANITAIRE !
plus de 95000 soldats français sont morts au cours de ce conflit dont environ 75000 de maladies.

Cette proportion de morts par maladie semble énorme, mais plusieurs rapports d'un médecin militaire, le Dr J-C Chenu, (disponibles sur Gallica, voir références) en explique les causes :
► D'après lui, le premier problème concerne le choix des soldats par le conseil de révision qui déclare des hommes de constitution faible "bons pour le service".
Si les conséquences de l'admission des constitutions débiles dans l'armée sont funestes en temps de paix, combien ne s'aggravent-elles pas en temps de guerre ! Dès le premier mois d'une campagne, l'armée laisse derrière elle un dixième et plus de son effectif,comme nous l'avons vu en 1854, en Orient. En 1854, l'armée française transportée en Orient par bateaux vapeur comptait avant l'invasion du choléra, 5500 hommes aux hôpitaux qu'il fallut installer à grands frais à Gallipoli (rive nord des Dardanelles) , à Andrinople (Edirne en Turquie), à Varna ( en Bulgarie sur les bords de la mer Noire) et à Constantinople (Istanbul Turquie) pour un effectif d'environ 50000 hommes.
Les hommes faibles , délicats, ne peuvent résister aux premières fatigues. L'inexorable phthisie reconnait et marque ses victimes. La fièvre typhoïde et les affections intestinales frappent fatalement les soldats dont les systèmes musculaire et nerveux sont trop peu résistants. Ces hommes alors se traînent jusqu'au premier hôpital, et une fois séparés du régiment, ils constatent chaque jour leur faiblesse, font une station plus ou moins longue dans chacun des hôpitaux de la route qu'ils suivent pour rejoindre, et pendant toute la campagne, ils manquent dans le rang et finissent par la mort ou la réforme.../ Ce sont les hommes trop faibles qui arrêtés dès le début, encombrent les hôpitaux, les infectent et font subir aux compagnies décimées toutes les fatiques de la situation. Les journées de service, les gardes, les corvées sont réparties sur ce qui reste de valide et bientôt parmi les valides eux-mêmes, un bon nombre de ceux qui auraient résisté aux charges convenablement divisées sur l'effectif complet, s'épuisent, sont bientôt malades, viennent subir dans les hôptaux les mauvaises conditions établie par les faibles. Les amputés, les blessés sont soumis à la dégénérescence des plaies, et un trop grand nombre des uns et des autres meurent de cette maladie invisible mais redoutable que nous avons appelée hôpital.
► Les pertes par maladies sont imputables à diverses causes essentiellement à la nourriture et à l'hygiène.
Pendant l'hiver, l'armée française continue à recevoir les mêmes rations que nous croyons insuffisantes et pas assez variées, ni convenablement appropriées au climat : la viande distribuée donne l'idée des vaches maigres de Pharaon ! Dans les pays froids il faut des corps gras en plus grande quantité que dans les pays chauds (beaucoup de boeufs meurent en mer pendant la traversée).Cette condition hygiénique est bien connue, bien constatée. /.../ Le nombre de maladies est proportionnellement beaucoup plus considérable et les maladies bien plus graves que chez les Anglais (comparaison avec l'armée anglaise mieux organisée), car chez ces derniers nous ne trouvons que des maladies de saison tandis que chez nous, c'est le scorbut et le typhus qui se développent largement et menacent toute l'armée. les blessés et les amputés meurent en grande partie de pourriture d'hôpital, de diarrhée et de typhus. Le nombre de morts par suite de maladies est trois fois plus considérable que celui des décès par suite de blessures. et d'autant mieux attribuables à l'infection des ambulances et à l'affaiblissement des hommes que les maladies qui règnent et font le plus de victimes sont le scorbut et le typhus et que parmi les officiers de l'armée, il n'y a que les médecins qui meurent parce que leur service les retient nuit et jour dans les ambulances exposés à la contagion près des malades.
Le scorbut est une maladie dûe à une carence en vitamine C. En effet, l'homme ne peut pas produire de vitamine C et ses réserves dépendent uniquement des apports alimentaires (légumes et fruits frais). Or les vivres embarquées sur les navires étaient essentiellement des salaisons, des légumes secs et des biscuits pour des raisons liées à la conservation des aliments, donc pas de légumes ni de fruits frais, ce qui laissait la place belle au scorbut.
Le typhus est une maladie épidémique transmise par les poux. Se caractérise par une forte fièvre, des céphalées et une prostration qui débouchent sur des complications cadiovasculaires, rénales, sur une pneumopathie et le plus souvent la mort.
Le choléra est une maladie diarrhéique épidémique. Elle se transmet par ingestion d'eau ou d'aliments contaminés par les selles d'une personne infectée : la concentrations de soldats malades aux ambulances associées à une hygiène défectueuse jouent un rôle important dans l’apparition et le développement de cette épidémie.

A une époque où la médecine était incapable de combattre les épidémies déclarées, il est apparu aux termes de l'étude de du Dr J-C Chenu que cette surmortalité fut le résultat de l'absence d'une véritable politique de prévention. contrairement à l'armée anglaise, qui apportait un soutien conséquent à ses soldats et appliquait des règles d’hygiène strictes. L'armée française privilégiait le combat aux dépens du soutien logistique.

SOLDATS DE LIORAC MORTS EN CRIMÉE

Pour retrouver les soldats de la guerre de Crimée, les registres d'Etat Civil sont les seules données directement accessibles en ligne (Archives Départementales de la Dordogne). Nous nous limiterons donc aux registres de décès pour rechercher les soldats de Liorac morts lors de cette guerre de Crimée. Mais il est probable que d'autres Lioracois ont participé à cette guerre .
Sur les registres de décès de Liorac, on trouve la transcription du décès de 3 jeunes soldats qui ont tous les trois succombé à une maladie pendant la guerre de Crimée :

Pierre COULAUD, 23 ans
Né le 14-07-1833 à Liorac, fils d'Etienne et Jeanne Chaume, propriétaires à la Raffigne, il avait un frère jumeau, Guillaume, mort en bas âge.
Il effectuait son service militaire, il partit pour l'Armée d'Orient, en Crimée. Il était Canonnier conducteur au 5e régiment d'artillerie, 15e batterie c'est à dire employé à la conduite et au soin des chevaux de l'attelage. Malade, il fut admis à l'ambulance du grand quartier général de Sébastopol : entré à l'hôpital le 5 février 1856 , il décéde le 15 mars par suite du typhus.
Le siège de Sébastopol est l'épisode principal de la guerre de Crimée : les troupes russes qui défendaient la citadelle résistèrent durant onze mois à des forces alliées supérieures en armement, avant de l’abandonner, le 11 septembre 1855, après avoir saboté leur escadre et fait sauter les fortifications.

Pierre GOUT, 23 ans
né à Liorac le 11 10 1833, fils d'Elie GOUT et de Jeanne Roussely, métayers à Carrieux. Parti à l'Armée d'Orient 2ème Corps (Crimée), il était grenadier du 31è régiment de ligne (le grenadier devait lancer des grenades, des sphères remplies de poudre et munies d'une mèche, sur les fortifications ennemies, lors d'une guerre de siège) : il est décédé à l'ambulance de la 2ème division le 17 février 1856 par suite de fièvre muqueuse (fièvre typhoïde)
Etienne GUILHEM 22 ans
né à Liorac le 15/09/1834, fils d'Etienne sabotier et de Marie Anne Lavergne couturière.
Il était voltigeur au 4e bataillon du 5e régiment d'infanterie de ligne de l'Armée d'Orient.
Il est décédé à l'hôpital militaire de Constantinople le 8 avril 1856 par suite de scorbut.
 
LA FIN DE LA GUERRE : Le traité de Paris du 30 mars 1856 met fin à la guerre de Crimée (1853-1856), déclare la neutralité de la mer Noire, interdit la navigation aux navires de guerre et la construction de fortifications, garantit l'intégrité de l'Empire Ottoman . La liberté de navigation sur le Danube fut placée sous contrôle international. Ce traité marque un coup d'arrêt pour l'influence russe dans la région. Ce fut un moment de gloire pour Napoléon III, mais la catastrophe sanitaire fut bientôt connue...
REFERENCES
► Rapport au Conseil de santé des armées sur les résultats du service médico-chirurgical aux ambulances de Crimée et aux hôpitaux militaires français en Turquie, pendant la campagne d'Orient en 1854-1855-1856, par J.-C. Chenu, Ed. V. Masson et fils (Paris), 1865 ICI
► Recrutement de l'armée et population de la France / par le Dr J.-C. Chenu Ed. J. Dumaine (Paris), 1867 ICI
► De la mortalité dans l'armée, et des moyens d'économiser la vie humaine : extraits des statistiques médico-chirurgicales des campagnes de Crimée en 1854-1856 et d'Italie en 1859 / par le Dr J.-C. Chenu,... Ed. Hachette (Paris), 1870 ICI

@ Marie-France Castang-Coutou - postmaster*liorac.info (remplacer l'étoile par @)