1897-1965 le bureau de poste de Liorac


page mise en ligne le 14 janvier 2018.      
LE CONTEXTE :
Comment imaginer à notre époque où internet, mails, réseaux sociaux, télévision et téléphones portables sont partie intégrante de notre vie quotidienne, que nos ancêtres vivaient dans un isolement quasi complet dans leur hameau, ne recevant quelques nouvelles de "l'extérieur" qu'à l'occasion du passage d'un marchand ambulant ou de la participation à une foire ?
Sous l'Ancien Régime, le transport des missives fut longtemps réservé à l'usage du souverain, des universités et des communautés religieuses puis timidement ouvert aux particuliers, moyennant finance : la possibilité d'envoyer un colis ou un message d'une ville à l'autre à travers le pays a nécessité l'organisation d'un réseau complexe de relais de poste qui fournissaient les nombreux chevaux nécessaires aux courriers. C'était le temps des maîtres de poste et de la Poste aux chevaux.
Après la Révolution, un service général de livraison du courrier se mit progressivement en place : la Poste aux lettres. Chaque municipalité dût rémunérer un piéton pour se rendre au bureau de poste de la ville la plus proche pour aller chercher le courrier. Bergerac était celui le plus proche de Liorac, ce qui faisait tout de même 28km à parcourir à pied. Comme nous l'avons déjà vu pour les routes, le département avait été particulièrement délaissé et l'annuaire statistique de la Dordogne de l'an XII (1803-1804) recensait seulement dix-sept bureaux de poste aux lettres dans tout le département de la Dordogne ! La fin du XIXè siècle va corriger ces lacunes. Voyons ce qui est arrivé à LIORAC !
Histoires de Liorac : les temps modernes
1800-1940 Démographie et mortalité infantile à Liorac.
1811-1911 Les pavés de grès de la forêt de Liorac.
Les carriers de Liorac.
1824 De la fausse monnaie circule à Liorac.
1834 le maire mène l'enquête.
1835, les réponses du maire, F. Beneys, à l'enquête
de Cyprien Brard donnent une image détaillée de Liorac :

          L'agriculture en 1835
          L'industrie en 1835
          Hygiène et santé publique en 1835
          Antiquités et Curiosités en 1835
1848-1849 Troubles à Liorac lors de l'élection du premier président de la République au "suffrage universel".
1846-1936 : Evolution des métiers au bourg de Liorac.
1852, l'agriculture à Liorac (enquête statistique)
1853-1854 : de quoi mourrait-on à Liorac ?
1854-1856 : soldats de Liorac pendant la guerre de Crimée
1836-1863 La formidable aventure de la route n°27
          le grand chambardement du bourg
          la naissance du haut Liorac
1876-1904 Construction de la maison d'école
1870-1871 : une guerre oubliée. Soldats de Liorac
1888 Une histoire de loup à Liorac.
1883 Les problèmes d'ordures à Liorac ne datent pas d'aujourd'hui !
1894 L'école de filles à Liorac devient école laïque.
1897-1965 Le bureau de poste de Liorac
1902 Le curé Tafforeau au moment des élections.
Vers 1905, c'était encore le temps des loups à Liorac.
1913 Les pilules roses pour personnes pâles.
1913-1969 L'adduction d'eau, un marathon de plus de 45 ans :
    Avant l'adduction d'eau, les puits.
    1913-1914, une première tentative
    D'une guerre à l'autre
    1958, l'eau arrive enfin dans le bourg !
  1959-1969,10 ans de plus pour alimenter tous les     hameaux
1917 Haro sur les nuisibles.
1914-1918 : la guerre
1919-1965 L'autobus de Liorac.
Vers 1920, la laiterie des Bigayres
1922 Le Monument aux morts de Liorac.
1925 L'électrification du bourg.
La terrible année 1944 en Dordogne
1939-1945 Deux "Morts pour la France" à Liorac.
1940-1945 Maurice Sarazac, Compagnon de la Libération.
22 juin 1944 : les troupes allemandes à Liorac.
1813-1975 : Médaillés de la Légion d'honneur à Liorac
1950-1965 La tournée de Denise.
Dans les années 50, l'épicerie Carbonnel.
Dans les années 50, la boulangerie Chassagne.
Dans les années 50-60, la fête à Liorac.
1961 Le tour de France passe pour la première fois à Liorac.

 
 
► LA POSTE à LIORAC AVANT 1930

N'ayant trouvé aucun document prouvant l'existence d'une poste à Liorac avant la fin du XIXè, la période d'étude ne commence qu'en 1897.
* 1er janvier 1897 : Ouverture d'une recette auxiliaire rurale municipale
(Bulletin des postes 1897). Les recettes auxiliaires des Postes existaient depuis 1895 et elles étaient gérées par des personnels qui n'appartenaient pas au service des Postes.
** le 1er février 1898 : la recette auxiliaire municipale devient recette auxiliaire d'état. Elle est rattachée au bureau de Mouleydier.(Bulletin des postes 1898)
*** 30 novembre 1899 : conversion de la recette auxiliaire en bureau de facteur-receveur
**** session du Conseil Municipal de février 1903 : le maire et le conseil municipal demandent la transformation du bureau de facteur-receveur en recette de 3ème classe, ce qui selon eux présenterait beaucoup d'avantages, puisque le facteur-receveur ne peut émettre les mandats télégraphiques et ne peut gérer les livrets de caisse d'épargne qu'il doit transmettre à Mouleydier son bureau d'attache. Le maire souligne que le bureau de Liorac, isolé des autres bureaux, a acquis une importance incontestable.et demande que Mr RIVES facteur-receveur soit nommé receveur.
Et en mai 1903, le bureau de Liorac est ouvert au service des mandats télégraphiques jusqu'à la somme maximale de 100F.(Bulletin des Postes de mai 1903)


***** En novembre 1909, création et ouverture d'un réseau téléphonique . La mise en service se fit en novembre 1910.
****** En 1912, Jean Castang instituteur à Liorac, écrit une monographie du village où il note :

Et en novembre 1922, les établissements de facteurs receveurs sont classés en deux catégories et Liorac est classé comme établissement secondaire.
► L'ANCIEN BUREAU DE POSTE (en bas du bourg)
Une seule carte postale de Liorac montre l'ancien bureau de poste de Liorac : il était situé en bas du bourg à droite en descendant la route. La municipalité devait fournir un local pour ce bureau et comme elle ne possédait pas de bâtiment dédié à cet usage, elle louait cette maison dans le bourg.
La photo a été prise après 1922, puisqu'on y voit le Monument aux Morts.

L'image n'est pas en très haute résolution mais sur le pas de la porte, on distingue le facteur en uniforme portant sa grosse musette de courrier (d'où dépasse une bouteille, la tournée se faisait encore à pied et elle était longue à Liorac ! )

► LES FACTEURS
Il est très difficile de retrouver tous les facteurs de Liorac car ils venaient souvent d'un autre village, voire même d'une autre région. Voici ceux que j'ai déniché en épluchant les recensements ou les actes d'état civil, mais la liste est loin d'être complète !
Le bureau de poste était géré par un facteur-receveur aidé par un facteur auxiliaire. La tournée des hameaux de Liorac étant particulièrement longue et éprouvante, deux personnes n'étaient pas de trop pour assurer ce service public.
Le métier de facteur rural était vraiment difficile, il parcourait chaque jour entre 30 et 40 km à pied -le vélo ne fera son apparition que vers 1902-, par tous les temps, sur des chemins en mauvais état et ce pour un salaire très faible. Cependant le métier avait des avantages : le prestige de l'uniforme et l'assurance d'un salaire certes faible mais fixe et non soumis aux aléas climatiques comme les métiers des champs. Le facteur jouait aussi un rôle social important, transmettant les nouvelles, rendant de petits services, et à l'occasion lisant les lettres à ceux qui avaient du mal à le déchiffrer. Dans toutes les maisons, il était attendu et toujours bien accueilli avec une assiette de soupe ou un verre de vin !
◊ En 1901 Barthélémy RIVES, originaire de Beaumont, est facteur-receveur. Il a 32 ans et est marié à Aurélie DELAYRE.
◊ En 1908, Jacques BLONDY est facteur-receveur. Il a 38 ans et est marié à Marie CAZE; et la même année, Etienne ROUSSEL, 44 ans, est facteur des postes domicilié à Liorac.
◊ En 1910, Pierre GRANGER, 39 ans, facteur-receveur est plusieurs fois témoin sur des actes de Liorac. Il est né à Saint Mesmin et son père était lui aussi facteur ! Il est marié à Anne CHAUPRADE.
◊ En 1921, c'est Jean LUZIGNANT, originaire de Mauzac, qui est facteur-receveur à Liorac. Depuis 1909, il est marié à Jeanne Lucie ADRIEN dit Richard. Il est possible que ce soit lui sur la carte postale. Il décède à Liorac en 1922 et Jean (Léon) MOUYNA, témoin sur son acte de décès, est alors facteur auxiliaire.
En 1931, Léon MOUYNA, marié à Jeanne Marie Bordas est facteur et Fernand REYNAUDIE est facteur-receveur.
En 1968, René REBEYREN est facteur-receveur. Mme Denise ROUX était factrice, elle nous a raconté ses souvenirs :voir ICI
Le bureau de poste était donc abrité dans une maison du bourg (parcelle G11 du cadastre napoléonien) que la commune louait à cet effet.
 Cette maison appartenait initialement à Jean Baptiste COUPAT, scieur de long, né à Aix-Lafayette dans le Puy de Dôme et marié à Françoise Chassagne, une fille des aubergistes de Liorac, Pierre Chassagne et Anne Chanaud. Après la mort de Jean Baptiste Coupat, la maison revint à ses enfants, Pierre Gustave COUPAT, alors commis principal des postes et à Hortense (rebaptisée Marie Elisabeth) COUPAT, institutrice à Ste Foy de Longas où elle vivait avec une petite nièce Marie Marthe Chassagne. Une fois à la retraite, Marie Elisabeth COUPAT vient habiter Liorac et y meurt en 1937. La maison revint alors peut être à sa nièce, Marie Marthe Chassagne (rebaptisée Elisabeth), mais sans aucune certitude à cause de la variabilité des prénoms.
Quoiqu'il en soit, en 1943 la nouvelle propriétaire impose à la municipalité une augmentation considérable du loyer de 1000F à 3600F, somme ramenée après négociation à 3000F. L'administration des postes accorde généreusement 250F : il faut donc trouver 1750F et le 27 juin 1943, le conseil vote les ressources nécessaires. Il faut noter que l'administration des Postes n'était pas concernée puisque c'était la commune qui devait fournir le local pour le bureau de distribution et le logement du préposé.

Mais la fin du bail de location s'approche et la propriétaire ne souhaite pas le renouveler, la municipalité se trouve donc dans l'obligation de trouver une solution pour abriter son bureau de poste et examine les deux options possibles :
► acheter une maison et faire les aménagements nécessaires :
Ainsi en septembre 1947, il fut d'abord envisagé d'acheter la maison de Mr Ruedolf (la maison à la tour sur la place de l'église) . Le préfet donne son accord mais l'administration des postes demande d'aménager la maison pour l'adapter à un bureau de poste. Les élus réfléchissent et arrivent vite à la conclusion que la facture sera trop lourde pour la commune et le projet est abandonné et aucun autre local à louer n'est disponible dans le bourg pour implanter les services postaux.
► soit acheter un terrain et faire construire.
Le Haut Liorac est déjà en partie construit. Mais il reste une parcelle de terrain à vendre à un particulier sur la place de l'école qui serait parfaite pour installer la poste. Ce terrain appartient à Pierre Chéry FONTAYNE, un des fils de l'ancien instituteur, né à Liorac mais qui habite maintenant Bergerac. Sollicité par le maire, le propriétaire répond "qu'il ne céderait ce terrain à la commune que par la force !" Pourquoi ce refus ? Une inimitié avec quelqu'un de la municipalité ou le désir de vendre à quelqu'un en particulier ? La municipalité envisage l'expropriation pour cause d'utilité publique, mais c'est Elisée CHORT qui achète la parcelle pour y faire construire une maison.
Ainsi la commune n'a toujours pas de solution pour implanter le bureau de poste et le bail de location se termine en mars 1952. Il est urgent de trouver un emplacement, sinon Liorac va perdre toute chance de conserver son service postal !
Ce service postal est essentiel pour Liorac mais aussi pour les communes environnantes en particulier pour St Marcel du Périgord et Lamonzie Montastruc qui ne sont pourvues que de cabines téléphoniques ou d'agence postale n'effectuant pas les services financiers ni le paiement des pensions et les habitants de ces communes font une grande partie de leurs opérations postales au bureau de Liorac d'où utilité publique absolue de le conserver.
► LE NOUVEAU BUREAU DE POSTE
Une opportunité se présente fin 1950 et le 27 novembre, le Conseil Municipal se réunit en session extraordinaire : la maison d'Elisée Chort est à peu près terminée et il souhaite vendre ce bâtiment. A partir de là, les choses vont vite : une promesse de vente est signée le 30 novembre pour la somme de 1 200 000F. La Commission Départementale de contrôle des opérations immobilières donne son accord : "étant donné l'importance de cet immeuble -sous sol aménagé, 6 pièces au rez de chaussée, grenier et grand jardin- et la qualité de ses installations -électricité et eau courante-, le prix est très raisonnable". Le service des PTT émet un avis "très favorable". La vente est conclue le 17 janvier 1951. Il ne reste plus que le problème des sous !
Le financement du projet : La réponse à la demande de subvention auprès des PTT est négative. De plus "les communes sont tenues de fournir le logement des recettes de distribution et en échange, l'administration verse non un loyer, mais une allocation annuelle fixée par décret à 3500F par an !". On est loin du compte ! De plus quelques travaux sont nécessaires avant la mise en service : environ 200 000F de plus. Pour réaliser l'achat et les travaux nécessaires, la commune n'a aucune ressource disponible et doit donc contracter un emprunt pour la totalité, soit 1 400 000F (CM 29 janvier 1951 ) au taux de 6% remboursable en 30 ans à partir de 1951. Une imposition extraordinaire via des centimes additionnels permettra de rembourser l'emprunt.


► les marques postales
La marque postale est un tampon, déposé au moyen d'un outil sur une lettre, pour les besoins du traitement du courrier. Les marques postales sont bien antérieures à l'invention du timbre qui n'a fait son apparition en France qu'en 1849. Mon papa était un collectionneur acharné des marques postales de Dordogne et pourtant il n'en avait qu'une de Liorac ! Peut être pourrez vous rechercher des vieilles enveloppes dans vos tiroirs ? par avance merci.

Ce cachet du 1er juin 1923 est caractéristique d'un Bureau de distribution (bureau de poste secondaire qui n'avait pas la possibilité d'effectuer toutes les opérations postales )
Ce timbre à date de type B3 (selon la classification des marcophiles) est caractérisé par un cercle extérieur constitué de tirets et deux cercles centraux. On y voit en haut le nom de la "ville" et en bas celui du département en toutes lettres. L'heure de levée est indiquée 8h30, le jour et le mois sont en chiffres 1-06 et l'année est indiquée par deux chiffres 23.
 
► ET AUJOURD'HUI, EN 2018
Lorsque le bureau de poste a fermé à Liorac (vers 2003-2004), la municipalité et le maire d'alors, Mr Gipoulou, ont recherché une solution et ont choisi de faire construire une extension au bâtiment de la poste pour y installer un multiple rural avec le restaurant "Au Fil de la Louyre" et opté pour un relais-poste chez ce commerçant. Ces relais-poste créés chez des commerçants offrent la majorité des services d'un bureau de poste, qu'il s'agisse du courrier (vente de timbres et de prêts-à-poster, recommandés), des colis ou des services financiers (retraits d'espèces, service réservé exclusivement aux Lioracois titulaires d'un compte-chèques postal ou d'un Livret A ).


Voici quelques informations supplémentaires glanées au fil des dossiers :
En juilet 1950 le Conseil Municipal demande l'installation d'une boite aux lettres supplémentaire au Sorbier. Mais l'installation d'une boite donne lieu au versement préalable par la municipalité du prix d'achat de 3000F majoré des frais d'emballage, de port et de manutention. Cette boite a-t-elle été installée au Sorbier ?

► documents consultés :
◊ aux Archives Départementales de la Dordogne à Périgueux : 9W360
AD24 : Recensements de Liorac (en ligne)
◊ Archives Municipales de Liorac : Délibérations du Conseil Municipal à partir de 1902.

1902 le curé Tafforeau pendant les élections législatives

@ Marie-France Castang-Coutou - postmaster*liorac.info (remplacer l'étoile par @)