1811-1911 Les pavés de grès
de la forêt de Liorac

page mise en ligne le 27 octobre 2013      
La forêt a toujours été utilisée pour son bois. Par exemple les merrains (planches servant à fabriquer les tonneaux) et les échalas (piquets de vigne) étaient régulièrement envoyés vers les zones viticoles de Bordeaux.

Mais pendant au moins un siècle, sans doute plus, les hommes de Liorac et des communes avoisinantes ont aussi exploité le sol de la forêt de Liorac en extrayant le grès et en taillant des pavés.
Histoires de Liorac : les temps modernes
1811-1911 Les pavés de grès de la forêt de Liorac.
Les carriers de Liorac.
1824 De la fausse monnaie circule à Liorac.
1834 le maire mène l'enquête.
1835, les réponses du maire, F. Beneys, à l'enquête
de Cyprien Brard donnent une image détaillée de Liorac :

          L'agriculture en 1835
          L'industrie en 1835
          Hygiène et santé publique en 1835
          Antiquités et Curiosités en 1835
1848-1849 Troubles à Liorac lors de l'élection du premier président de la République au "suffrage universel".
1846-1936 : Evolution des métiers au bourg de Liorac.
1852, l'agriculture à Liorac (enquête statistique)
1853-1854 : de quoi mourrait-on à Liorac ?
1854-1856 : soldats de Liorac pendant la guerre de Crimée
1836-1863 La formidable aventure de la route n°27
          le grand chambardement du bourg
          la naissance du haut Liorac
1876-1904 Construction de la maison d'école
1870-1871 : une guerre oubliée. Soldats de Liorac
1888 Une histoire de loup à Liorac.
1883 Les problèmes d'ordures à Liorac ne datent pas d'aujourd'hui !
1894 L'école de filles à Liorac devient école laïque.
1897-1965 Le bureau de poste de Liorac
1902 Le curé Tafforeau au moment des élections.
Vers 1905, c'était encore le temps des loups à Liorac.
1913 Les pilules roses pour personnes pâles.
1913-1969 L'adduction d'eau, un marathon de plus de 45 ans :
    Avant l'adduction d'eau, les puits.
    1913-1914, une première tentative
    D'une guerre à l'autre
    1958, l'eau arrive enfin dans le bourg !
    1959-1969,10 ans de plus pour alimenter tous les hameaux
1917 Haro sur les nuisibles.
1914-1918 : la guerre
1919-1965 L'autobus de Liorac.
Vers 1920, la laiterie des Bigayres
1922 Le Monument aux morts de Liorac.
1925 L'électrification du bourg.
La terrible année 1944 en Dordogne
1939-1945 Deux "Morts pour la France" à Liorac.
1940-1945 Maurice Sarazac, Compagnon de la Libération.
22 juin 1944 : les troupes allemandes à Liorac.
1813-1975 : Médaillés de la Légion d'honneur à Liorac
1950-1965 La tournée de Denise.
Dans les années 50, l'épicerie Carbonnel.
Dans les années 50, la boulangerie Chassagne.
Dans les années 50-60, la fête à Liorac.
1961 Le tour de France passe pour la première fois à Liorac.

 
La forêt de Liorac
Comme le montre la carte ci-dessus, dessinée sur une vue aérienne du Géoportail, la forêt de Liorac est une grande forêt : 2280 ha. Mais comme partout en Dordogne, elle devait être plus étendue autrefois avant que les forges ne réclament leur tribut de bois... Actuellement, elle occupe la moitié sud de la commune et s'étend sur les communes voisines, Lamonzie Montastruc, Saint-Sauveur, et surtout Mouleydier et Cause de Clérans.
En 1983, la forêt de Liorac a été décrite comme Zone Naturelle d'Intérêt Ecologique, Faunistique et Floristique (ZNIEFF). C'est une forêt de chênes et de taillis de chataîgniers et elle abrite une faune variée en partie protégée, crapauds, rainettes, lézards et salamandres et mammifères comme chevreuils, cerfs et sangliers. La chasse de ce gros gibier est autorisée mais réglementée. Jusqu'à la fin du XIXème, des loups habitaient encore la forêt !
 
L'exploitation du grès

        Un gros bloc de grès à la Roque

Partout dans la forêt, on trouve des excavations, des trous d'une trentaine de mètres de diamètre et de quelques mètres de profondeur, jonchés de débris de grès. Ces petites "carrières" à ciel ouvert laissent imaginer une exploitation très artisanale.
Ici pas de machine, tout le travail se faisait à la main et c'était un travail pénible et dangereux, les accidents étaient fréquents, les blocs qui tombent et les éclats qui sautent dans les yeux, et surtout les carriers ne cessaient de respirer toute la journée la poussière de grès qui provoquait des maladies pulmonaires graves. En tous cas, ces hommes étaient robustes et surtout durs à la peine !
Les ouvriers déblayaient d'abord le terrain, en coupant les arbres et en enlevant la végétation et la couche de sédiments, jusqu'à trouver le banc de grès. Une fois dégagé, il fallait ensuite le fragmenter. Les carriers foraient un trou dans le grès et c'était long car le grès est dur! Deux ouvriers y travaillaient, l'un tapant avec une masse sur avec un burin à quatre faces pendant que l'autre le tenait et le tournait un peu entre chaque coup pour attaquer régulièrement la pierre. Ils introduisaient ensuite dans le trou une charge de poudre noire et l'explosion fissurait et cassait le banc de grès. Les blocs détachés étaient ensuite débités avec des coins et une masse. Le « piqueur de grès » prenait la relève pour tailler ensuite les pavés à la bonne dimension, à l’aide du ciseau et de la massette. Il travaillait sur un établi constitué d’un baquet rempli de sable reposant sur de gros blocs de grès : c'était la "taille au baquet". Il y avait plusieurs types de pavés et les prix variaient selon leurs dimensions.

Il est facile d'imaginer l'activité autour de la carrière. Outre les carriers, il devait y avoir beaucoup de monde, les enfants qui aidaient à déblayer les éclats, les femmes qui apportaient à boire et à manger, les paysans qui louaient leur charrette et leur attelage pour effectuer le transport et puis les animaux qui peinaient pour déplacer ces lourdes charges sur des chemins de terre car il fallait bien sûr transporter les pavés hors de la forêt et les amener jusqu'à une voie de communication.

Le marché des pavés et leur transport
La seule possibilité pour convoyer ces matériaux lourds était d'emprunter la voie fluviale, la Dordogne. Depuis Liorac, les pavés devaient être transportés jusqu'au port le plus proche, Mouleydier. Mais le grès pèse environ deux tonnes et demi au m3 et un pavé, suivant ses dimensions, entre 2 et 20 kg (pour 20cm de côté) ! Une charrette attelée de 2 ou 3 chevaux ou d'une paire de boeufs ne pouvait guère transporter plus de 500 kg ou peut être 1 tonne. Cela faisait beaucoup de voyages sur une route accidentée, qui n'était alors qu'un chemin et qui devait se détériorer très vite avec ces transports répétés.
Arrivés au port, les pavés étaient chargés sur des bateaux, courreaux ou gabarres, qui partaient vers les villes de l'aval, Bergerac, Castillon, Libourne et surtout Bordeaux. En effet, au cours du XVIII ème et surtout du XIXème, un vent de modernisation et d'amélioration de l'espace urbain a soufflé sur ces villes, en particulier sur Bordeaux et le pavage des rues et des routes d'accès a constitué une priorité.
En 1804, Pierre LACOUR montre l'approvisionnement en pierres et pavés par des petits bateaux à voile sur les quais du port de Bordeaux (cliquer sur la vignette pour voir le cliché d'origine (MBA)).
Le trafic au port de Bergerac
Un document des Archives Départementales (je remercie ici Mr Yan Laborie qui m'a gentiment indiqué cette référence, S704) permet de suivre le trafic de marchandises sur la Dordogne, en particulier au port de Bergerac, entre 1810 et 1868.
Ainsi en 1810, les marchandises quittant le port de Bergerac étaient nombreuses et les pavés arrivaient en bonne place ! Les quantités sont exprimées en tonneaux. Le tonneau était le conteneur de l'époque et il était logique d'exprimer la capacité des bateaux en nombre de tonneaux qu'il pouvaient transporter; le tonneau faisait environ 1,4 m3.
merrains 3880 tx, cercles et échalas 1782 tx, bois de charpente 1596 tx,
pavés 490 tx,
vins 770 tx, blé et autres grains 265 tx, porcs, bétail, cire, tan et objets divers 190 tx,
fontes et fer 189 tx, châtaignes 133 tx.
La même année, le document mentionne les bateaux au port de Bergerac : 8 bateaux de 53 tonneaux, sans doute des courreaux, (le bateau de transport typique de la Dordogne, capable de naviguer dans l'estuaire de la Gironde et de doubler le bec d'Ambès pour gagner Bordeaux. À la remonte, il était halé par des boeufs.), 10 gabarres de 40 tonneaux, et 6 de 27 tonneaux , 18 courpets de 16 tonneax et 40 argentats de 9 tonneaux (le courpet n'effectuait qu'un voyage en descente, puis il était démonté et son bois vendu, il transportait surtout les bois de merrain et les piquets de vignes.) Le transport vers Bordeaux de 490 tonneaux de pavés nécessitait tous les plus gros bateaux, courreaux et gabarres, qui passaient à Bergerac.
En 1848, 14000 pavés quittent Bergerac, ils valent 18 centimes le pavé. L'année suivante, la production a augmenté, 45700 pavés au même prix. En 1850, la demande doit être plus forte et ce sont 62350 pavés dont le prix a un peu augmenté : 20 centimes le pavé qui quittent le port de Bergerac. A partir de là, les unités changent, les pavés ne sont plus comptés à l'unité, mais en tonneaux, quintal métrique ou tonne. Quoiqu'il en soit, jusqu'en 1868 (date à laquelle le document se termine) environ 800 tonnes de pavés quittent chaque année le port de Bergerac, le prix de la tonne variant suivant les années entre 200 et 250 F.

Sources :
◊ Inventaire National du Patrimoine Naturel (INPN)
◊ Mouleydier d'antan. Yves Fressignac Ed. de La Lauze
◊ Archives Départementales de la Dordogne :
Les transports de marchandises sur la Dordogne ref.S704
Actes d'Etat Civil de Liorac et des communes voisines
◊ Rapports du Conseil général de Gironde disponibles sur Gallica.

les carriers de Liorac     

@ Marie-France Castang-Coutou
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