Voici un document trouvé dans les Archives de la mairie de Liorac : quelques pages volantes des délibérations du Conseil Municipal de l'an XII (1804) à 1834.
En 1834, on trouve une plainte déposée auprès de la mairie : ce qui serait maintenant naturellement pris en charge par la gendarmerie devait à cette époque être réglé par le maire, François PAULHIAC :
en effet, le maire seul agent de l'Etat dans la commune, était chargé de fonctions administratives en matière d'état civil mais aussi de
police.
les protagonistes :
Gérôme CHAUME :
né en 1772 à Lamonzie Montastruc, il était venu s'installer à Liorac , quand il avait épousé en 1806 une fille de la Raffigne Marie GAY.
Deux fils étaient nés : Etienne en 1807 et Pierre en 1810. Mais Marie GAY décéda en 1818. Elle n'avait que 44 ans. Devenu veuf, Gérôme se remaria en 1826 avec Toinette GEOFFRE, il avait 54 ans et elle 56 ans, donc pas de risque d'enfant du deuxième lit.
Pierre CHAUME : fils second, il vivait avec son père et sa belle mère ("sa tante") à la Raffigne. Il avait donc 24 ans au moment des faits.
Il se maria à Vergt en 1841, il était alors huissier.
Toinette GEOFFRE :
née à Sainte Alvère en 1769, elle avait épousé Gérôme CHAUME et habitait la Raffigne avec son mari et son beau fils Pierre.
Pierre CHAUME, dépose une plainte accusant sa belle mère d'avoir emporté certains objets de la maison de son père.
Comme nous allons le voir, il ne s'agissait pas d'objets de bien grande valeur,
mais ce ne devait pas être l'entente parfaite entre lui et sa belle mère et sa formation d'huissier l'a naturellement poussé à déposer une plainte.
Voici l'histoire :
J'ai retranscrit aussi fidèlement que possible le document en ajoutant la ponctuation et en corrigeant quelques fautes qui auraient nui à la compréhension du texte.
La plainte :
Pierre Chaume propriétaire demeurant à la Raffigne et domicilié à Bergerac se plaint au maire
de la disparition de différents objets mobiliers (chemises de femme, jupes et autres hardes, serviettes, nappes,
fils prêts à faire la toile et beaucoup d'autres objets de sa maison lui appartenant ou à Gérôme Chaume son père,
lesquels objets étaient confiés à Anne Geoffre sa tante depuis longtemps directrice de sa maison.
En conséquence le dit Pierre Chaume nous a invité à rechercher les susdits objets que, par des informations qu'il aurait prises,
lui aurait été indiqués dans le bourg de Liorac.
Dans l'auberge de Pierre CHASSAGNE
Nous nous sommes transportés dans le bourg de Liorac accompagnés de lui plaignant, et des deux témoins ci après nommés Etienne Guilhen
âgé de 25 ans sabotier et de Henri Masseron âgé de 55 ans cordonnier tous deux domiciliés au bourg de Liorac.
Accompagnés comme susdit chez le sieur Pierre Chassagne aubergiste et nous n'avons trouvé que Anne Chanaud son épouse.
Les objets sont retrouvés Sur le champ Anne Chanaud dit qu'il était vrai que la ditte Anne Geoffre tante du plaignant lui avait porté dans la journée d'hier
31 juillet , deux paquets de linge et un autre dans la matinée du 1er août. Elle montre les paquets et le maire en présence des témoins en examine le contenu
dans le premier paquet : 17 chemises de femme, une serviette sans marque, un tablier qui servait à plier le paquet.
dans le second paquet : trois mouchoirs de poche, quatre tabliers en coton ou indienne, deux jupes en étoffe, trois brassières de différentes étoffes, un manteau de femme, une paire de bas bleus, un petit morceau de coton bleu et douze chemises
le troisième paquet : 6 chemises de femme, un bissard, une paire de bas bleus, trois jupes en toile dont une servant à envelopper le paquet.
Au moment où nous avions presque terminé la visite des paquets, Anne Geoffre tante du plaignant est entrée dans la chambre
portant un quatrième paquet. Lui ayant fait connaitre la recherche du plaignant son neveu, nous l'avons invitée à nous faire
connaitre ce que contenait le dernier paquet qu'elle venait de déposer : nous y avons trouvé les objets suivants,
trois jupes en étoffe et une Basin blanc (?) , un tablier en coton blanc, une brassière en coton blanc,
deux paires de bas en laine, deux paires de gants ou mitaines en indienne, deux mouchoirs de poche,
et un grand mouchoir servant à mettre au cou en coton, une faux à couper le blé,
un mouchoir de poche en fil blanc , sept coiffes et un tablier servant à plier le paquet.
Il y avait donc essentiellement des vêtements de femme, qui nous paraissent aujourd'hui sans grande valeur.
Mais à cette époque, tout morceau de tissu était important et les vêtements étaient systématiquement recyclés
par exemple pour faire des vêtements d'enfants, et parfois retournés pour ne laisser voir que le côté non usé du tissu,
ou teints en noir pour les périodes de deuil.
Les explications des différentes parties :
Pierre Chaume déclare que plusieurs objets lui appartenaient, à lui ou à son père comme leur provenant de la
succession de Anne Gay, sa mère et son épouse.
Anne Geoffre soutient que ces objets lui appartenaient et que malgré qu'elle n'ait aucune raison de se plaindre
de son mari elle voulait néanmois s'en séparer.
Anne Chanaud déclare qu'elle ne voulait pas en faire mauvais usage et qu'elle n'a reçu les paquets que sur la demande
d'Anne Geoffre jusqu'à ce qu'elle aurait trouvé une chambre à louer. Elle a dit que les susdits effets devaient rester entre ses mains jusqu'à ce que le sieur Gérôme Chaume l'eut autorisée à les remettre.
Elle a ajouté qu'il y a environ trois mois, Anne Geoffre serait venue la trouver :
elle lui aurait dit que si son mari ne voulait pas lui affermer une chambre ou qu'elle ne voulut pas la recevoir "elle sirai noyé"(sic).
Nous avons dressé ce procès verbal en présence des parties : nous avons invité Anne Chanaud à signer le procès verbal avec nous et les témoins, mais elle a déclaré ne savoir signer.
Le sieur Chaume a signé avec nous (on peut d'ailleurs remarquer la qualité de sa signature qui révèle l'habitude, il travaillait à Bergerac sans doute chez un huissier puisqu'en 1841, il pratiquait ce métier.)
le dénouement
Les parties ont dû trouver un arrangement satisfaisant, puisque Anne Geoffre est décédée à la Raffigne en 1839. Elle avait 70 ans et était toujours "mariée à Gérôme Chaume".
Gérôme CHAUME a vécu jusqu'en 1852. Sur son acte de décès, il est noté "veuf de Toinette Geoffre". Il n'y a donc pas eu de séparation officielle des époux.