LES VOIES DE COMMUNICATION
ont toujours été essentielles pour le développement d'un pays, pour faire circuler les troupes en temps de guerre et favoriser le commerce en temps de paix.
► Les Gaulois possédaient un réseau important et les Romains ont ensuite adopté certains de leurs tracés. Mais après la chute de l'Empire romain, au Moyen Âge les routes ne furent plus entretenues et très vite la France perdit son réseau routier et seuls subsistèrent des chemins d'intérêt "local".
► Sous l'Ancien Régime, des routes royales furent construites reliant les principales villes du royaume à la capitale.
► Juste avant la Révolution,
en 1785, l'Indicateur Fidèle ou guide des Voyageurs (disponible sur Gallica
"ICI") montre les routes royales et particulières du royaume de France et
comme on peut le constater sur le morceau de carte ci-dessous, extrait de ce guide,
le Périgord avait été presque complètement oublié !
◊ A l'ouest, la route royale de Bordeaux à Limoges effleurait le Périgord sur une centaine de km, assurant une liaison postale avec la capitale.
◊ Deux routes secondaires reliaient Bergerac à Périgueux puis à Angoulême (la première par Grignols et la seconde par Brantôme et Mareuil).
◊ De simples chemins figuraient également sur le réseau, reliant Bergerac à Sainte Foy la Grande et à Sarlat. et c'était tout !!!
◊ Après la Révolution, les voies de communication sont dans un état lamentable.
◊ puis Napoléon développe les routes (qui de royales deviennent impériales) pour assurer le passage de ses troupes et relier Paris aux villes de l'Empire
mais encore une fois, le Périgord ne fut pas concerné !
L'Annuaire statistique du département de la Dordogne pour l'an XII (1803-1804) indique :
◊ 1 seule route de "1ère classe" (i.e. qui passe par Paris) de Paris à Bagnères par Limoges, Périgueux et Bergerac) traverse le département sur 122 km
◊ 4 routes de "deuxième classe" (i.e. qui ne passent pas par la capitale mais qui présentent un intérêt général) :
de Bergerac à Bordeaux (par Ste Foy, Castillon et Libourne)
de Périgueux à Bordeaux (par Mussidan et Libourne)
de Périgueux à Angoulême (par Brantôme et Larochebeaucour)
de Périgueux à Brive (par Millac, Terrasson et l'Arche)
◊ 8 routes de "3ème classe" (i.e. d'un intérêt plus "local") :
de Limoges à Cahors, par Cubas, Montignac et Sarlat
de Bordeaux à Sarlat par Bergerac et Lalinde
de Bordeaux à Brive, par Bergerac et Cendrieux
d'Angoulême à Bordeaux par Larochebeaucour, Ribérac et Larochechalais
de Périgueux à Ribérac
de Brantôme à Nontron
de Périgueux à Excideuil
de Bergerac à Mussidan
ce qui fait moins de 700km de "routes" pour le département vers 1804 à comparer à une donnée Wikipedia : 18 939km en 2011 !
En effet, lors du Conseil Municipal de Liorac du 21 mai 1817 (Archives Municipales de Liorac), est lue une lettre du Sous Préfet concernant la réparation de la route de Bergerac au niveau de
"que les ravines ont prodigieusement dégradée".
"Considérant que dans l'état de dégradation où se trouve la côte de Tiregan la communication directe de Liorac à Bergerac se trouve pendant l'hiver interceptée aux charrettes et aux chevaux et que même pendant l'été cette partie de la route devient de plus en plus difficile.
Coût des réparations : 3367F."
Suit la répartition des dépenses partagées (comme dans le cas des réparations pour le pont de Liorac)
entre les différentes communes qui utilisent cette route :
les matériaux et transports seront fournis par les communes de Creysse, St Sauveur et Bergerac : 1526F.
La dépense en argent serait donc de 1841F à répartir sur 8 communes :
1. Lamonzie 644F (35%) 2. Liorac 322F (17.5%) 3. St Felix 230F (12 .5%)
4. St Marcel 184 F (10 %) 5. St Georges 184 F(10 %)
6. St Maurice 92 F (5 %)
7. St Laurent (des Bâtons) 92 F (5%) 8. Ste Foy(de Longas) 92 F (5%)
Le maire de Liorac considère qu'il est urgent de réaliser ces réparations, car de nouvelles dégradations amèneraient un surcroit de dépense.
Il trouve cependant qu'il est demandé beaucoup à Liorac par rapport à d'autres communes, mais on ne lui laisse pas le choix.
Le conseil approuve donc la participation aux réparations de la côte de Tiregan et vote, pour acquitter sa quote-part, une imposition spéciale de 322 F.
Que se passait-il alors dans la commune de Liorac ?
Le plan cadastral de 1824, celui que l'on appelera "le cadastre Napoléon", venait juste d'être terminé.
Le tableau d'assemblage de la commune de Liorac montre une multitude de chemins (voir schéma ci dessous) au tracé désordonné, sans plan d'ensemble,
correspondant la plupart du temps à des chemins de terre marquant des limites de propriété et destinés essentiellement à un usage local pour atteindre les champs
et les villages.
On y voit le chemin de Liorac à Cause, actuellement la route de Cause de Clérans,
le chemin de la Roche à Mouleydier, actuellement la route de Mouleydier
et un chemin qui descendait de la Martigne, traversait le bourg de Liorac et tournait sur la gauche avant d'arriver à l'église pour se poursuivre jusqu'à la Louyre
à la Croix du Pont et le chemin de Bergerac à Liorac, qui va devenir le chemin de Grande Communication N°27 (CGC27).
La loi du 21 mai 1836, dite de Thiers-Montalivet va classifier la voirie vicinale en deux catégories : les chemins ruraux
dont la construction et l'entretien étaient entièrement à la charge des communes (leur entretien était souvent assuré par des prestations en nature,
des journées de travail qui remplaçaient les impôts en argent) et les
chemins vicinaux classés (dont les chemins de grande communication ou "CGC")
gérés grâce aux subventions du Conseil Général et placés sous le contrôle du préfet du département.
Le CGC N°27
Une coupure de 1836 du
Journal de Bergerac (Archives Municipales de Bergerac) annonce que le Conseil Général vient de classer les Chemins de Grande Communication de l'arrondissement de Bergerac.
Il y en avait 8 dans l'arrondissemnt dont le n°27 de Bergerac à Terrasson qui devait passer par Liorac.
Ce classement était important car le département était en charge de surveiller les travaux (le rôle des agents voyers)
et participait financièrement, une grosse partie des frais restant cependant à la charge de la commune, en particulier pour l'expropriation et l'achat des terrains....

En 1838, Bardon géographe des Ponts et Chaussées, traçe la carte routière du département de la Dordogne avec les routes royales (ou plutôt "la" !), départementales et les chemins de grande Communication. La route N°27 y est tracée mais selon la légende ce n'est encore qu'un chemin vicinal.
ICI sur gallica
Enfin, on peut noter sur l'article du Journal de Bergerac , relatant les conclusions de 1836 du Conseil Général, que les chemins de Grande Communication ne passeraient pas forcément par les chefs lieux des communes citées (l'expression "chef lieu" était utilisée pour désigner le bourg par rapport aux villages de la commune)
Mais à Liorac la route va traverser le bourg, créant un grand bouleversement dans le village !
Voici une photo aérienne prise par Camille Beau qui m'a gentiment donné l'autorisation de l'utiliser
et que je remercie bien sincèrement, qui montre le Chemin de Grande Communication n°27, l'actuelle Départementale D32, traversant le bourg de Liorac.
VOIR ICI ses autres magnifiques photos de Dordogne.
références
• Archives départementales de la Dordogne, série S : 35 S2, 35 S6, 35 S10, 35 S14, 35 S24. Ces dossiers contiennent des copies conformes des rapports du Conseil Municipal de Liorac de l'époque considérée,
ce qui est intéressant puisque ces rapports du XIXe ont disparu des Archives de la mairie de Liorac.
• Rapports du Conseil Général de la Dordogne
disponibles sur Gallica
• Archives Municipales de Bergerac : Journal de Bergerac.
• Petit livre bon à consulter, ou Examen critique et impartial sur les chemins de grande communication, les routes départementales et les voies de petite vicinalité dans la Dordogne. Signé : Trigant-Gautier-1842
ICI sur gallica