21 août 1944, Bergerac libéré

Depuis l’occupation de la zone libre en 1942, les Allemands étaient installés à la caserne Chanzy de Bergerac et faisaient peser le poids de l'occupation sur tout le Bergeracois.
En face, des familles combattantes organisées au sein des Forces Françaises de l’Intérieur (F.F.I.) : ◊ l’Armée Secrète (A.S), dirigée par Maurice Loupias, dit "Bergeret" en Sud Dordogne et structurée en de nombreux groupes de maquisards ( François Ier, Loiseau, Pistolet...)
◊ les Francs-Tireurs et Partisans Français (F.T.P.F.) : compagnie Gabriel Chaverou
◊ et l’organisation de Résistance de l’Armée (0.R.A)
Tous des volontaires armés, bien décidés à combattre pour chasser l’occupant.
Le 7 juin 1944, alors que l'espoir a changé de camp suite au débarquement sur les plages de Normandie la veille des alliés américains, anglais, canadiens et d'un détachement français, , le Bergeracois s'enflamme.
Un Rapport du Commissariat des Renseignements Généraux de la Dordogne, mis en ligne sur le site des Archives de la Dordogne, permet d'apprécier la situation au jour le jour dans le Bergeracois juste après le débarquement (Cote : 1 W 1809 ) ICI

Voici la transcription de quelques extraits de ce document qui décrivent l'atmosphère particulièrement pesante au mois de juin 1944 à Bergerac :
LE 8 JUIN 44 :
Toutes les communications téléphoniques sont coupées vers l'extérieur. L'agglomération de Bergerac est cernée par les groupes insurrectionnels./.../ Des postes ont été installés dans la nuit sur le CG 32 (direction La Force) et à l'intersection de la route de Creysse (direction Liorac)
sur la route nationale n21 à la barrière de Pombonne direction Périgueux et au carrefour de Faux et vers St Christophe (abattage d'arbres) direction Castillonès. Sur la route 135 (D936?) à la Cavaille direction Bordeaux et sur la route 660 vers Lalinde entre Creysse et Mouleydier./.../
Un sabotage de la voie ferrée est effectué dans la soirée entre St Capraise et Creysse.
9 JUIN 1944 :
Les communications téléphoniques restent coupées avec l'extérieur. Le village de Mouleydier est en effervescence. Des centaines de personnes ont abandonné les cantonnements de Creysse et les usines de Couze pour gagner les bois et rejoindre les dissidents. Dans la matinée, le camp de Creysse (chantiers de jeunesse) est investi et un barrage est établi à la barrière des Gilets. Au bourg du Fleix, 4 chenillettes allemandes venant de Castillon et se dirigeant vers Bergerac ont été prises par un groupe de dissidents.
Commentaire : arrivés en camion devant le pont du Fleix pour s'opposer à la progression d'un détachement nazi précédé de blindés, trois maquisards ont été tués dans cet affrontement, Jacques Lacombe (17 ans), Guy Conti (19 ans), et Pierre Dutreuilh (39 ans), Mention MPLF
10 JUIN 1944 :
L'étau se ressère de plus en plus autour de Bergerac. Il est impossible de franchir les barrages. La ville est presque déserte. Beaucoup d'hommes valides ont gagné le "maquis". Vers 11 heures arrivée d'engins blindés allemands venant de la direction de Pomport. Ces engins blindés circulent dans toutes des rues.
Dans l'après midi, des opérations de nettoyage ont lieu dans la direction de Pombonne. Les insurgés se replient et les voies sont dégagées. Les troupes allemandes occupent de nombreux locaux en ville.
11 JUIN 1944 :
Les engins blindés ont circulé toute la nuit du 10 au 11 juin tenant les habitants en émoi. A 8h30 bombardement par une vingtaine d'avions anglais. Quelques points de la ville ont été touchés. Des ponts visés celui de la Madeleine a été à peine écorné, celui des Gilets n'a pas été touché. Deux bâtiments incendiés et 1 blessé allemand à Roumanières. A 9h30, grande panique en ville, le bruit ayant couru que les avions devaient revenir bombarder une heure plus tard pour bombarder la gare et la caserne Chanzy. Les gens quittent la ville en débandade, fuyant ensuite à travers champs. D'autres se groupent à proximité des abris. Une action de blindés allemands est effectuée dans la matinée dans la région de St-Germain et Mons, Cours de Piles, jusqu'à hauteur de Mouleydier. On ignore s'il y a des victimes. Commentaire : c'est la première attaque de Mouleydier, elle a été repoussée.
12 JUIN 1944 :
La situation générale est sans grand changement. Les barrages de Pombonne, des Gilets et du carrefour de la route de Faux ont été évacués. Les partisans se sont repliés et ont organisé des points d'appui quelques kilomètres en arrière. Les camions et les blindés allemands continuent à circuler en ville. La circulation est très réduite pour les véhicules français. D'après la rumeur publique, certains prisonniers de Mauzac auraient été libérés. Des renseignements parvenus, tous les ponts de la Dordogne ont sauté (Pessac, Ste Foy, Le Fleix, Gardonne)
13 JUIN 1944 :
Nuit calme et sans incidents. De 9h à 11h des crépitements d'armes automatiques et de fortes détonations ont été entendues à l'est de Laforce sur Le Fleix. Il s'agirait d'une action des allemands. Il n'a pu être recueilli aucun renseignement sur cette action. Quelques autos mitailleuses auraient égalemant poussé une pointe dans la région Pomport Cunèges./.../
Les allemands gardent l'entrée du camp de Roumanières.
14 JUIN 1944 :
Nuit calme. Vers 23h30 un avion rodeur a survolé la région de Bergerac. La situation n'a pas changé.Les postes et barrages gardés sont toujours en place aux issues de la ville. Les routes divergeant de Bergerac sont obstruées par des abbats d'arbres. Un renfort de troupes allemandes est arrivé à Bergerac. Le pont de la Madeleine est gardé militairement. Pendant la journée des patrouilles automobiles ont crirculé dans la ville. Un accrochage a eu lieu rue Valette (coups de feu tirés suivis de perquisitions). La population est toujours inquiète.
15 JUIN 1944 :
Au cours de la nuit un avion a survolé les environs de Bergerac. De forts contigents de troupes allemandes sont arrivés et occupent les écoles. La chambre de commerce a été réoccupée. Toutes les issues de Bergerac sont gardées par des petits postes allemands.
21 JUIN 1944 :
Une importante action a eu lieu dans la matinée sur Mouleydier.
22 JUIN 1944 :
Combat de Mouleydier, la ville a été entièrement incendiée. Les femmes et les enfants se sont réfugiés à St-Germain et Mons. La population masculine (97 hommes) a été emmenée à la caserne Chanzy; dans la soirée les plus âgés ont été relachés une quarantaine sont maintenus. Les opérations ont été également effectuées à Pressignac et à Vicq. Il y a des morts et des maisons ont été incendiées.
23 JUIN 1944 :
La route n°136 est praticable de Bergerac à Ste Foy. Passage en bac à Port Ste Foy gardé par un détachement allemand.
24 JUIN 1944 :
Opérations allemandes dans la région de Ste Alvère, Lalinde et Mauzac.
25 JUIN 1944 :
Opération dans la région de St Cyprien. Les allemands libèrent les prisonniers civils de Mauzac qui avaient été arrêtés par le maquis. Une cérémonie a lieu sur la place de l'église à Bergerac à 19h15 pour la remise de ces prisonniers aux autorités françaises . Les prisonniers de Mouleydier à l'exception de 4 ont aussi été libérés, 400 personnes environ assistaient à cette cérémonie qui s'est déroulée dans la plus grand calme.
28 JUIN 1944 :
La voiture radio allemande circule en ville invitant les habitants qui détiendraient des armes et explosifs à les verser d'urgence à la Police allemande.
1 JUILLET 1944:
Situation calme à Lalinde. Les casernes de gendarmerie à Lalinde et Couze sont abandonnées.
Malheureusement ce document s'arrête le 2 juillet et n'évoque donc pas la libération de Bergerac le 21 août 1944.

Le 19 août
Le lieutenant BETZ, de la Wehrmarcht, qui dirige la place de Bergerac, reçoit l’ordre de se retirer. Commencent alors leurs sabotages : destruction du camp de Roumanières, incendie des réserves d’alcool de la Poudrerie, mise à feu de la caserne Chanzy où sont entreposées des munitions, incendie du château des Termes qui abrite les archives de la Luftwaffe de Mérignac. Le lendemain 20 août, l’évacuation commence : deux colonnes quittent la ville, le gros des troupes en direction du Fleix, le reste vers Mussidan. À la nuit tombée, les Allemands ont définitivement déserté Bergerac. L'ennemi est poursuivi vers l'ouest : Ste Foy la Grande , Libourne et Bordeaux vont être successivement libérés et les Allemands vont se retirer dans les réduits de la Pointe de Grave, de Royan et de La Rochelle (les poches de l'Atlantique).
Le 21 août,
Les résistants peuvent enfin faire leur entrée dans la sous-préfecture. Dans les rues, c'est l'enthousiasme, les maquisards défilent et sont acclamés par la population dans tout le centre ville.
Témoignage en images avec le fonds photographique Bondier-Lecat ICI
Sur la dernière photo de la série, on peut voir devant la sous-préfecture, le général Bernard (à gauche, ORA?) accompagnant Maurice Loupias, alias Bergeret (en bras de chemise), le chef de l’Armée Secrète pour le secteur Sud Dordogne avant de devenir président du Comité de libération de la ville, puis sous-préfet.
Les villes françaises sont progressivement libérées, Paris le 26 août avec l'arrivée de la 2ème DB du général Leclerc, ou désertées par les allemands : Périgueux le 19 août, Agen le 19, Bergerac le 21, Limoges le 21, Bordeaux le 29 août,Angoumême le 1er septembre Royan, le 18 avril 1945 , la Rochelle le 8 mai 1945
le 3 septembre 1944, Fête de la Libération à Bergerac
Cette fête rassemble la population de Bergerac : la place de l'église est noire de monde et les balcons des Galeries Bargeaud sont bien occupés.On remarque dans la foule des petites filles en costume alsacien, beaucoup de les résistants avec le brassard FFI et la Croix de Lorraine, des militaires de carrière en uniforme avec leurs médailles. On reconnait "Bergeret" sur plusieurs photos,

Témoignage en images avec le fonds photographique Bondier-Lecat ICI

@ Marie-France Castang-Coutou
Contact : postmaster*liorac.info (remplacer l'étoile par @)