9 août 1944, SAINT JULIEN DE CREMPSE

page mise en ligne le 18 février 2024      

Saint Julien de Crempse,
(maintenant nouvelle commune : Eyraud-Crempse-Maurens), un tout petit village du Périgord, à l'écart des grands axes de communication abritait environ 200 habitants en 1944. Ce village paisible va connaitre une tragédie en ce 9 août 1944.
Dans le document de l'Amicale Bergeret "La tragique journée d'un village de France", Max Lejeune écrit :
"Ce village fait pour vivre dans le silence des saisons était cependant marqué par le Destin. Il l'était du fait de sa situation géographique : son isolement et ses bois touffus ne pouvaient que favoriser l'implantation d'une troupe qui, de là, lancerait ses commandos à l'assaut des colonnes ennemies. Il l'était aussi parce que ses habitants, dès qu'ils furent sollicités, répondirent spontanément et simplement à l'appel de tous ceux qui menèrent le combat contre l'occupant. Dignes descendants des "Croquants" du Périgord, pauvres mais fiers, patients mais frondeurs, avides de liberté et jaloux de leur indépendance, ils ne pouvaient que se rebeller contre l'envahisseur. Leur engagement fut d'autant plus méritoire que cet envahiseur n'était visible qu'à l'occasion d'un voyage à Bergerac et qu'ils ne souffraient guère, en tous cas beaucoup moins que d'autres, des conséquences de la main-mise ennemie sur l'économie du pays. Habitants de Saint-Julien votre Destin fut ainsi scellé."
Le monument aux morts rappelle le destin tragique de ce village.
Déjà pendant la première guerre mondiale 13 soldats du village avaient donné leur vie pour la France. La deuxième guerre mondiale et les évènements d'août 1944 a fait encore plus de victimes parmi les combattants mais aussi parmi les civils.

(Un grand merci à S.Labrousse pour ces photos)


La Résistance à St Julien
Un maquis était installé dans les bois près du village sous les ordres du capitaine SANTRAILLE, dit "JOSEPH", et de Lucien MARCOU, dit "REGAIN", instituteur à Lamonzie Montastruc. Ce dernier déclare : ( Amicale Bergeret, "La tragique journée d'un village de France")
"en choisissant ce site pour y installer notre PC, nous avons inéluctablement attiré l'ennemi. Tous les deux, nous en avions pleinement conscience en faisant ce choix qui nous apparaissait tactiquement parlant, le meilleur possible. Et je voudrais rendre un fervent et respectueux hommage à la population de ce modeste bourg qui ne nous en a jamais tenu rigueur."
Le PC REGAIN était installé à environ un kilomètre au nord du bourg de St Julien, au lieu de Roumagère, dans une masure cernée par les bois.
En ce début août, les hommes sont prêts, bien encadrés par des militaires de carrière et armés depuis le parachutage d'armes réalisé à Lagudal (commune d’Eglise-Neuve-d’Issac) en mars 44. Des containers d'armes ont d'aillleurs été enfouis à la Croix de Menaud.
 
La garnison allemande de Bergerac (et probablement la 11e Panzer Division) constituait une menace permanente et ses mouvements étaient particulèrement surveillés par des agents de liaison qui rapportaient tous les jours au péril de leur vie des informations au PC.
En ce début août quelque chose se prépare, le PC de St Julien va être attaqué... Et c'est le matin du 9 août 1944. L'aube se lève sur une journée qui va marquer à jamais le village. Soudain une troupe surgit dans la brume matinale, c'est l'ennemi accompagné de cosaques à cheval (environ 1800 selon le document de l'Amicale Bergeret. En face : 75 maquisards !) Le PC est encerclé comme le village. Peu vont pouvoir échapper à cet étau. Les combats se poursuivent jusqu'au soir et le bilan est terrible pour les maquisards comme pour les habitants.
9 maquisards morts au combat le 9 août 1944 :
BAZET Lucien,24 ans, originaire du Pas de Calais, gendarme, FFI du groupe Marcou, tué au combat, mention MPLF
BOYER Arsène René Maurice , 37 ans, originaire de la Nièvre, FFI, tué au combat, mention MPLF
DELIVRON Louis,31 ans, originaire du Bas-Rhin, FFI groupe Marcou, fusillé par les allemands , mention MPLF
GUICHARD Ernest Louis, 25 ans, né à Bergerac, sergent de l'armée de l'air, FFI bataillon Santraille groupe Joseph, tué au combat, mention MPLF
LIPMANN Henri, originaire de Bretagne, 36 ans, FFI, tué au combat, mention MPLF
LUNOT Noël, originaire du Pas de Calais, 37 ans, FFI, tué au combat, mention MPLF
NEUMILLE Louis Marcel, 30 ans, originaire du Lot, tué au combat, mention MPLF
VERDIER Georges, dit Zozo Verdier
WERY Bernard, 20 ans, originaire du Nord, tué au combat, mention MPLF
MARCEL X.,fusillé à Camsegret
17 habitants de st julien fusillés le 9 août 1944 :
Le village est encerclé, des hommes tentent de gagner les bois voisins mais bien peu y parviendront. Tout homme vu est immédiatement arrêté. Les Allemands regroupent les prisonniers à l'école. Pendant ce temps, sous le prétexte de rechercher des "terroristes", les maisons sont systématiquement fouillées et pillées. Mais les mères et les épouses n'ont de pensée que pour les prisonniers, toutes ont en tête les récents massacres de Mouleydier et Pressignac, quel sort est-il réservé aux prisonniers ? Vers 6h deux brèves fusillades ... Le lendemain l'ennemi est parti, les recherches commencent, et très vite la nouvelle du masssacre général se répand. On retrouve les corps.
BONNET Olivier, 25 ans cultivateur, époux de Violette Louise Belloc
CERBERA A, 28 ans, né à Valence (Espagne), ouvrier agricole
DEL VALLE José, né en Espagne, 41 ans, forestier
FEYTE Pierre Camille, né à St Julien, 24 ans agriculteur, FFI alias "Fontainebleau", médaille de la Résistance en 1945
HERMEIL Guillaume, 79 ans, retraité des Chemins de Fer, né à Champcevinel,
FFI, Titres, homologations et services pour faits de résistance
HERMEIL André Emile, son fils, 18 ans, né à St Julien, employé des Chemins de Fer, FFI, Titres, homologations et services pour faits de résistance (réseau des forces françaises combattantes : RESISTANCE FER)
HUOT Louis François, né à Douville, 46 ans, agriculteur, FFI, Titres, homologations et services pour faits de résistance
HUOT René, né à Montagnac-la-Crempse, 18 ans son fils, agriculteur, FFI, Titres, homologations et services pour faits de résistance
LACOMBE Pierre, né à Lamonzie Montastruc, 40 ans menuisier, FFI,
LACOSTE Daniel, né à Issac,54 ans, agriculteur maçon, FFI
LANAUVE Elie François, né à St Julien, 56 ans, agriculteur, FFI,
MARTINET François Louis, né à St Julien,55 ans, agriculteur
MARTINET Jean, né à St Julien, 21 ans, agriculteur, FFI, Titres, homologations et services pour faits de résistance
MURAT Pierre, 21 ans, né à St Julien, agriculteur, FFI, Titres, homologations et services pour faits de résistance
MURAT Robert, né à Lalinde, 34 ans, agriculteur, FFI, Titres, homologations et services pour faits de résistance
ROQUES Georges,né à Bergerac, 28 ans, instituteur, secrétaire de mairie, FFI, Titres, homologations et services pour faits de résistance
SORBIER Louis, né à Campsegret, 58 ans, ouvrier agricole, FFI, mention MPLF

Le village a été durement touché ce 9 août : 26 morts, dont 17 civils, parfois deux de la même famille. Après tous ces malheurs, certains s'enfermèrent dans leur chagrin mais d'autres réclamèrent vengeance !
Un mois plus tard, le 9 septembre 1944, 17 soldats allemands ont été fusillés en représailles : C'est un épisode qui, bien que connu des gens du village, a longtemps été tenu secret et qui n'a été que récemment révélé.
A Castillon la Bataille, des soldats des transmissions de la Wehrmacht, s'étaient rendus à des maquisards et avaient été convoyés à la caserne Davout à Bergerac. 17 sont extraits de leur cellule où ils attendaient leur jugement. Ce chiffre de 17 est le pendant morbide des 17 civils exécutés en août. Les prisonniers sont amenés dans un champ près de Saint-Julien et fusillés .
Lucien MARCOU, chef du maquis de St Julien s'exprime :
Ainsi donc , dix-sept Allemands y furent fusillés en représailles et ce fut une grave erreur. Mais les dix-sept Français du village exécutés le 9 août méritaient-ils la mort ? Cette journée sanglante fut horrible pour ses habitants terrorisés devant une sodatesque se livrant au pillage, arrêtant et fusillant dans des conditions atroces. Dès lors qui peut s'étonner que certains aient songé à la vengeance de ces morts l'aient organisée en ce 9 septembre 1944. Qui? Comment ? Je l'ignore et je ne veux pas le savoir. le secret a toujours été bien gardé.
A l'heure où nos deux peuples se sont réconciliés, est venu le temps de l'oubli, sinon nous ne sortirons jamais des cycles de violences des siècles écoulés. Ce qui s'est passé à Saint Julien est certes injustifiable pour les uns et pour les autres, mais s'explique par la guerre qui entraîne toutes le violences, seule et unique responsable. Ce qui pose encore aujourd'hui le rôle de l'Homme dans sa tragique inhumanité.
( Amicale Bergeret, "La tragique journée d'un village de France")
En 2003, les restes des soldats allemands ont été exhumés et transférés au cimetière militaire allemand de Berneuil en Charente Maritime.
RÉFÉRENCES :
■ Geneanet : monuments commémoratifs
■ Mémorial GenWeb ICI
■ Site "Mémoire des Hommes" ICI Ce site permet de chercher les militaires décédés pendant la seconde guerre mondiale, Les victimes civiles et les homologations pour fait de résistannce.
■ Bernard Reviriego, Fusillés et morts au combat en Dordogne (1940 – 1944). Editions Secrets de Pays, 2023.
■ Le Dictionnaire des Fusillés, exécutés, abattus, Le Maitron des Fusillés en ligne ICI
■ Site dédié à la résistance, surtout du sud-ouest, la vie quotidienne sous l'occupation, les Alliés et la libération de la France pendant la seconde guerre mondiale ICI
■ Amicale BERGERET, Les cahiers de la Mémoire, La tragique journée d'un village de France, Saint-Julien de Crempse, 9 août 1944.
■ Maurice Loupias dit Bergeret, "Messages Personnels"

19-21 AOÛT 1944, LIBÉRATION DE LA DORDOGNE

@ Marie-France Castang-Coutou
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