Le 31 mars 1944
Rouffignac en flammes

page mise en ligne le 18 février 2024      

En 1944, Rouffignac (actuellement Rouffignac-Saint-Cernin-de-Reilhac) était un village florissant du Périgord Noir abritant environ 1600 habitants. Le bourg , environ 150 maisons, se serrait autour de son église . Le 31 mars 1944, la division Brehmer pénètre dans Rouffignac, terrorise la population et incendie presque toutes les maisons du bourg qui est réduit en cendres : seule l'église et trois maisons voisines sont épargnées. Selon un témoignage, c'est le curé MARQUAY qui a sauvé l'église. Ce brave homme aurait dit à l'officier qui était chargé de brûler Rouffignac : "Vous êtes catholique, mon capitaine ? Vous allez faire brûler Dieu si vous faites brûler l'église. Et Dieu vous jugera"
l'église Saint Germain de Rouffignac(photos personnelles)
 
L'église saint Germain a donc été épargnée par les nazis, ce 31 mars 1944. Elle était classée depuis Mai 1900 au titre des Monuments Historiques . Le bâtiment se caractérise par son association de styles roman et gothique. Elle a été construite entre le 15ème et 16ème siècle, avec un achèvement des travaux en 1530 comme l'indique le médaillon sur la façade.

On remarque le fronton avec une niche dont la statuette a disparu. Le portail, malgré les dégradations subies aucours des siècles est remarquable : il est encadré par deux piliers décorés de chapiteaux corinthiens, il est surmonté d'un linteau scuplté de motifs malheureusement très abimés et peu identifiables.
L'intérieur de l'église surprend par son style gothique flamboyant : la particularité de la nef repose sur ses piliers à colonnes torsadées.
Autre élément caractéristique du style flamboyant du XVIème, l’escalier à vis qui mène à la tribune et au clocher.


La terrible journée du 31 mars 1944 : Il n'y a plus de témoins, mais des témoignages ont été recueillis tant qu'il était encore temps (voir références plus bas). Le 31 mars 1944, les blindés Allemands investissent le village. Le maire Mr. LABLÉNIE et le secrétaire Mr. DELMONTEIL sont brutalement interrogés : les Allemands veulent savoir où se cachent les maquisards, mais personne ne parle. Tous les hommes sont rassemblés sur la place, puis triés par âge : 64 de moins de 50 ans d'un côté et les plus de 50 ans de l'autre. A chacun est posée la même question : “ Où se trouve le Maquis ? ”. Tous répondent qu'ils l'ignorent et qu'ils ne connaissent même pas l'existence du maquis. La colère des occupants ne fait que grandir et les habitants pressentent une fin de journée tragique.
Dans l'après midi, le général Brehmer en personne arrive à Rouffignac. Peu après, les 64 hommes de moins de 50 ans sont entassés dans des camions et dirigés vers Azerat. Tous s'imaginent le pire. Parmi ces 64 hommes emmenés à Azerat, il y avait un réfugié israélite Pierre KHANTINE âgé de 27 ans, ancien élève de l’E.N.S., professeur à l’école navale. Après avoir consulté quelques documents, un des officiers vint à lui, sans hésitation, le fit sortir des rangs et lui donna un coup de poing en pleine figure. Un jeune soldat reçoit un ordre, il introduit trois cartouches dans son fusil et emmène cet homme qu’il fait marcher devant lui en le poussant avec le canon de son arme ; peu après, trois coups de feu retentissent, tous ont compris ce qui venait d’arriver. Quant aux 63 autres prisonniers, ils furent transférés à Périgueux puis furent libérés. Quatre gendarmes furent déportés et ne reviendront pas de leur captivité. Pendant ce temps à Rouffignac, le maire fut à nouveau appelé par les officiers allemands et reçut l'ordre de faire évacuer le village, chacun pouvant emporter de quoi se couvrir et de quoi manger. Les habitants se précipitent chez eux emportant ce qu'ils avaient de plus précieux. Pendant ce temps les Allemands pillent les maisons et chargent des camions de linge, de vivres et de tous les objets de valeur. Les camions partent vers l'est. puis dans la soirée, les troupes commencent à incendier Rouffignac avec des bombes incendaiares : le gigantesque brasier visible depuis des kilomètres va durer toute la nuit.

Les dégâts matériels sont énormes, les maisons sont effondrées, gravats et chevrons jonchent les rues, le bourg n'existe plus. Une ancienne Carte postale montre le bourg après l'incendie : 105 maisons ont été détruites


Qu'est ce qui a pu déclencher une telle sauvagerie ? La veille, lors d'une embuscade, des maquisards avaient fait prisonniers deux officiers allemands, un capitaine et un lieutenant. Après une courte halte à Rouffignac pour se désalterer, ils étaient tombés nez à nez avec une colonne allemande mais avaient réussi à s'échapper abandonnant les prisonniers qui n'avaient jamais été maltraités. Ces causes n’apparaissent que comme prétexte. A défaut d’atteindre directement les maquisards, l’ennemi s'attaque aux populations pour les terroriser et les empêcher de soutenir la Résistance et de plus se livre à un pillage systématique des villages attaqués.
Mais il y a aussi des victimes :
La guerre de 39-40, bien que courte avait déjà tué trois soldats de la région de Rouffignac :
■ Michel VIGNERAS,né en 1915 à St Léon sur Vézère, il était aviateur. Il fut tué en juin 40.
■ Albert TRARIEUX, né à Rouffignac en 1912, tué en juin 40 dans l'Oise.
■ Frédéric LASSERRE, né en 1909 à Milhac d'Auberoche, tué en juin 40 en Seine Maritime.
Ces trois soldats ont reçu la mention "Mort pour la France".
Mais l'année 1944 a été encore plus meurtrière comme l'indique une plaque dans Rouffignac :
■ Tués au maquis en 1944 : REISDORFF Robert 30 ans et REISDORFF Georges 30 ans, deux frères jumeaux tués à un jour d'intervalle.
■ Fusillés par les Allemands : BOURDHEIL Louis 23 ans victime civile, Sylvain ASCH 44 ans et Pierre KHANTINE victimes civiles d’origine juive.
■ Déportés morts en Allemagne : Léo DELPRAT (résistant FFI) et quatre gendarmes de Rouffignac :
Jean GRENIER originaire de Gironde,36 ans, avait été fait prisonnier en 1940, puis rapatrié, entré dans la Résistance, arrêté et déporté à Buchenwald, transféré et décédé à Dora-Ellrich,
Marc SUREAU originaire de Charente, 44 ans, avait hebergé une enfant juive, décédé à Dora-Ellrich, mention MPLF ,
Albert CANTOT , 33 ans, déporté à Buchenwald-Dora : en avril 1945 il est contraint d’évacuer à pied, lors de l’épisode des « marches de la mort Incapable de continuer à marcher il est finalement achevé au bord d’une route.
René DUBERGER né à Hautefort 30 ans, mort à Buchenwald, mention MPLF .
Aucun des 4 gendarmes de Rouffignac n’est revenu de l’enfer concentrationnaire nazi.

Après la fin de la guerre, le 11 novembre 1948, la commune a reçu la Croix de Guerre 1939/1945 avec palmes de bronze et le village a été reconstruit.
Pour commémorer le souvenir de cet épisode dramatique de l’histoire de Rouffignac, un « Espace Mémoire », associé à l’Office de Tourisme, a été inauguré le 31 mars 2019. Visite conseillée !
RÉFÉRENCES:
■ Rouffignac - Commémoration du 31 mars 1944 - E-book - ePub, Serge Seyrat, J. G. Faure, un texte racontant la journée, écrit par Serge SEYRAT et par le maire J.G. FAURE à l'occasion du cinquantenaire des évènements.
■ Espace Mémoire, Rouffignac : une exposition très documentée sur cette sombre journée du 31 mars 1944
■ Jean Briquet, Rouffignac, mars 1944. BSHAP, 2001, p155.
■ Jean-Jacques Gillot, La tragédie de Rouffignac(31 mars 1944), BSHAP, 2011, p129.
■ ANACR : Association Nationale des Anciens Combattants et Ami(e)s de la Résistance
■ CDM24: Centre Départemental de la Mémoire Résistance et Déportation de la Dordogne.ICI
■ Guy Penaud, Les Crimes de la division Brehmer, La Lauze Ed.,2004, p 242-251

LA DIVISION "DAS REICH"   

@ Marie-France Castang-Coutou
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