1805- Les malheurs du pont de Liorac

mis en ligne le 20 mai 2017    
En 2016, la rembarde du pont de Liorac a été endommagée par le passage d'un gros engin agricole. Elle a été réparée. Mais ce pont en a vu d'autres au cours de son existence !
Remontons le temps, jusqu'à l'an 13 (1804-1805): le calendrier républicain est toujours en usage et Napoléon vient d'être sacré empereur des Français. Nous sommes à Liorac en février 1805 ....
La topographie du village était bien différente de celle d'aujourd'hui : fait essentiel, la route qui traverse le bourg n'existait pas, et seuls des chemins de terre permettaient de se déplacer, à pied bien sûr, en menant parfois un attelage de boeufs pour transporter récoltes et marchandises. Dans ces conditions, l'entretien des chemins vicinaux constituait un leitmotiv lors des séances du Conseil Municipal !
Mais bien plus encore que les chemins puisqu'un détour était toujours possible, le pont sur la Louyre était indispensable pour permettre les communications d'abord entre les deux parties de la commune, la Tissanderie, le Sorbier, la Raffigne... et le bourg et aussi avec les communes voisines. En effet, même si la Louyre n'est pas un ruisseau bien large, ni profond, les ponts permettant de traverser ce ruisseau était rares : le pont de Liorac était donc un ouvrage stratégique essentiel pour le commerce et la vie quotidienne des habitants de Liorac et des communes voisines.
 
Un rapport de la séance du Conseil Municipal du 25 pluviose de l'an 13 (15 février 1805, archives de la mairie de Liorac) rapporte avec beaucoup de saveur et de précision les malheurs survenus au pont et les remèdes proposés par la commune : dans la colonne de droite le texte presqu'intégralement transcrit, un peu long mais non dénué d'intérêt. L'orthographe a été conservée et seuls quelques signes de ponctuation ont été rajoutés pour en faciliter la lecture) et dans celle de gauche un rapide résumé.

LES FAITS :
La Louyre a détruit les piles du pont et la chaussée s'est éboulée. On a du mal à imaginer une crue de la Louyre suffisamment violente pour faire écrouler ce pont de pierre, et ce malgré les biefs régulateurs des 17 moulins situés en amont.
Monsieur le Maire (il s'agit de Jacques Guillaume Guilbert-Latour qui habite au Vieux Liorac), ouvre la séance par un rapport sur les ravages qu'ont occasionné les derniers (sic !) crues d'eau, lesquelles ont renversé une partie de la chaussée servant au passage du ruisseau, sapé les deux pilles (sic !) dont l'éboulement a occasionné la chute des rochers qui couvraient les arceaux, et fait connaitre le procès verbal qu'il a dressé portant devis estimatif des travaux nécessaires, dont la teneur suit.
 
LES CIRCONSTANCES :
La Louyre (on l'appelait alors la Loire !) débordait régulièrement pendant 2 mois chaque année. Cette année 1805, la crue a été terrible et tous sont affectés : plusieurs personnes sont déjà tombées dans le ruisseau, la vie quotidienne est bouleversée, les morts ne peuvent plus être conduits au cimetière et le commerce est interrompu !
La situation est grave, et impose d'agir vite. Les habitants de Liorac et des communes voisines réclament une solution rapide !
L'an 13 de la république, le vingt du mois de pluviose, Nous maire de la commune de liorac , informé de la chute du pont jeté sur le ruisseau de la loyre, courant de l'est à l'ouest et au midi du bourg de cette commune , dont il partage le tiers de sont (sic !) territoire, pressé par ses habitants et par ceux des communes environantes (sic !) dont les relations commerciales sont interrompues pendant le débordement du ruisseau qui a communément lieu en différents temps pendant deux mois de chaque années (sic !) . Jaloux enfin, de justifier la confiance de tous et de prévenir les malheurs qui sont déjà arrivés dans la chute au ruisseau de beaucoup de personnes et notament de celle de Mr Valton latisendrie qui na dut (sic !) son salut qua (sic !) la vigueur et à l'agilité qui sont inséparables de son âge et de son heureuse constitution,
 
désirant éviter le tableau qui n'a guères (sic !) nous a été présenté de deux morts arrêtés sur la rive et abandonnés par un convoi trop peu religieux ou trop effayé de l'obstacle du passage, lesquels morts ont fait une station de quinze heures et ne sont parvenus au lieu de leur inhumation qu'à la faveur d'une marche rétrograde et hasardée.
Le maire de Liorac réagit de façon magistrale et rapide à cette situation préoccupante: observation des dégats le 20, préparation du devis et proposition chiffrée présentée au Conseil le 25 !

QUI VA PAYER ?
Le maire suggère d'impliquer financièrement toutes les communes qui utilisent le pont de Liorac...
Considérant aussi qu'aux frais des réparations qui vont vous être proposés devront contribuer les communes qui vous seront nommées en raison de l'utilité, ce qui fera l'un des sujets de votre délibération.
 
REFERENCES
► Archives municipales de Liorac : rapport de la séance du Conseil Municipal du 25 pluviose de l'an 13 (15 février 1805)
► Les anciennes mesures locales du Sud-Ouest d'après les tables de conversion par Abel Poitrineau. Sous l'Ancien Régime , les unités de mesure de longueur, de surface, de poids, de volume... changeaient suivant les régions, les villes ou même les villages!
A la Révolution, l'Assemblée Nationale décida d'uniformiser le système des poids et mesures par décret du 8 mai 1790, mais il fallut attendre le 18 Germinal an III (7 avril 1795) pour que soit votée la loi qui fixait d'une façon définitive les nouvelles unités et supprimait les anciennes.
Mais d'après le texte ci dessus, ces nouvelles unités n'avaient pas encore été adoptées à Liorac dix ans après !

 

@ Marie-France Castang-Coutou
Contact: mfcc24*liorac.info (remplacer * par @)