L'histoire pourrait s'arrêter là, restant malheureusement banale, mais... comme nous allons
le voir, circonstances et personnages semblent curieux.
Tout d'abord,
les circonstances de la découverte de l'enfant :
que faisait donc ce cordonnier à six heures du matin en décembre devant la porte
de l'église ? Comment a-t-il vu cet enfant alors qu'il faisait nuit ? Et comment un
bébé de 2 ou 3 jours, enveloppé de mauvais linges, a-t-il survécu
au froid, déposé sur une marche de pierre ?
Ensuite, qui était réellement
la "nourrice" ? Elle habitait
le bourg et était de famille modeste, son père était manoeuvre. Elle n'était
probablement pas mariée, car le maire n'aurait pas omis le nom de son
époux si cela avait été le cas. D'autre part, je n'ai pas trouvé
d'enfant qu'elle aurait déclaré dans les deux années qui précèdent
la "découverte". De plus, les remarques du maire concernant "la fraîcheur
" de son lait, pourraient laisser penser qu'elle venait d'accoucher et qu'elle était
la mère : était-ce une façon de cacher une naissance illégitime et d'obtenir en plus quelque
salaire ? L'enfant n'a pas été déposée plus tard à l'hospice,
mais est restée à Liorac. Elle est décédée en 1808, à deux ans et demi, toujours
chez les Gautier.
Mais surtout
le cordonnier, Jean GENTE, (parfois écrit Jeante ou Jante) paraît un personnage
assez peu banal !
En effet,
en 1809 un acte de mariage le décrit comme cinq fois veuf, épousant
Marie Coulaud en sixièmes noces!!!
Les actes d'état civil permettent de suivre ce parcours matrimonial pour le moins inhabituel.
1-Jean GENTE épouse le 13 février 1781 à Liorac,
Catherine ROUSSEL (sans précision sur l'acte
écrit par le curé Lascoups. Une fille naît le 15 décembre 1782, ondoyée et décédée
le même jour. Sa mère décède le 17 décembre 1782, sans doute des suites de ses couches, comme
c'était malheureusement fréquent à l'époque. Jusque là, rien que de très banal.
2- Mais seulement deux mois plus tard, il se remarie à Liorac avec
Marie DURAND, qui n'est pas
mentionnée dans la liste, le 26 février 1783 (là encore aucun autre renseignement sur
l'acte écrit par le curé Lascoups), une fille Jeanne naît le 2 décembre 1783. Sa
mère décède le 11 septembre 1786. Quelques mois plus tard,
le 18 mars 1787, la petite fille décède à 4 ans.
Il y a ensuite un blanc, peut être l'épisode de
Jeanne RINGUELET que je n'ai pas
retrouvé. Le mariage s'est sans doute passé dans une commune voisine (toutes les femmes étaient du canton).
3- Le 7 janvier 1789, il épouse à Liorac
Jeanne CHASSAIGNE. C'est la troisième épouse
ou peut être même la quatrième. Elle décède moins de 4 mois après
le mariage, le 21 avril 1789.
4- Puis ce fut la révolution, période troublée pendant
laquelle beaucoup d'actes ont été perdus. Cependant, lors du recensement de 1801 à
Liorac on retrouve Jean Gente cordonnier et Anne..... Le nom de l'épouse n'est pas inscrit,
mais il s'agit probablement
d'Anne COSTE. Je n'ai pas trouvé le mariage, mais elle est
décédée le 18 juillet 1807 à Liorac. Il est donc possible que le mariage ait duré un peu plus
longtemps que les précédents !
5- A nouveau veuf, le cordonnier se remarie deux mois plus tard à Liorac, le 30 septembre 1807,
avec
Pétronille DEJOUX, il est dit âgé de 45 ans, cordonnier. Sa cinquième (ou sixième)
épouse décède moins d'un an après, le 25 septembre 1808.
6- Mais aucun problème pour dénicher une autre femme : quatre mois plus tard, le 12 février 1809,
et toujours à Liorac, il épouse
Marie COULAUD qui a 31 ans. Il est dit "âgé de 47 ans, cordonnier". Elle décède le 1 mars 1813.
Après plus rien ... Le cordonnier ne semble pas mort à Liorac.
Au moins six mariages entre 1781 et 1809 ! Les décès des épouses ont eu
lieu parfois très vite après le mariage, sans raison évidente, sauf pour la première.
Des mariages organisés et publiés en un temps record, qui ont lieu parfois moins
de deux mois après le décès de la précédente épouse. Apparemment personne n'a trouvé
cette série noire suspecte et cela n'a en rien découragé les "nouvelles
candidates".
Quoiqu'il en soit il savait convaincre les femmes! ETRANGE, NON ?