A la Révolution, les mésaventures
des Pères et Mères d'émigrés     


Dès le 14 juillet 1789 des milliers de français quittent le territoire : la plupart sont des nobles, des riches bourgeois ou bien des écclésiastiques. Certains d'entre eux émigrent pour combattre la Révolution depuis l'étranger, d'autres simplement pour échapper à ses rigueurs. Et à vrai dire les choses ne s'arrangent guère ensuite !
L'abolition de la monarchie, les affrontements entre Girondins et Montagnards, l'exécution de Louis XVI, la Terreur qui s'installe, avec un gouvernement d’exception basé sur la répression à l'encontre des contre-révolutionnaires, royalistes, modérés, ... ou émigrés ! De nombreux décrets concernant les émigrés furent promulgués. D'abord relativement modérés, ils devinrent draconiens sous la Terreur ! En voici quelques exemples particulèrement étonnants !
 
LES DECRETS CONCERNANT LES EMIGRES, LEUR FAMILLE ET LEURS BIENS

Est déclaré émigré tout francais sorti du territoire de la république depuis le 1er juillet 1789, et qui n'y était pas rentré au 9 mai 1792.

► 28 mars 1793 : Bannissement et mort civile des émigrés
Les émigrés sont bannis à perpétuité du territoire français; ils sont morts civilement; leurs biens sont acquis à la république. L'infraction au bannissemnt sera punie de mort.


L'inscription sur une liste d'émigrés équivalait donc à un arrêt de mort lors de toute tentative de retour en France .
Leurs biens devenaient des biens nationaux et étaient vendus au même titre que ceux de l'Eglise. Mais cela ne fut pas suffisant, car l'Etat voulut confisquer les biens qui n'appartenaient pas encore aux émigrés, mais qui devaient leur échoir par succession : la déclaration de leur mort civile, fait un premier pas dans ce sens, en permettant à l'Etat de recueillir tous les biens provenant de successions à leur profit.
Mais la loi du 7 décembre 1793 va aller beaucoup plus loin encore en s'attaquant directement aux biens des parents des émigrés !

►  7 décembre 1793 : séquestre des biens appartenant aux pères et mères d'émigrés
Les biens appartenant aux pères et mères qui ont des enfants mineurs sont séquestrés et mis dès ce moment aux mains de la nation.... Les biens appartenant aux pères et mères dont les enfants majeurs sont émigrés, seront également séquestrés et mis sous la main de la nation, jusqu'à ce que les pères et mères aient prouvé qu'ils ont agi activement et de tout leur pouvoir pour empêcher l'émigration...
Malgré la distinction entre enfant mineur (sous la responsabilité des parents) ou majeur qui aurait quitté le pays malgré les exhortations de ses parents, le résultat est identique : tous les biens des parents sont mis sous séquestre .

► 12 janvier 1795 : des secours sont accordés aux parents des émigrés
En attendant que le séquestre sur les biens des pères et mères d'émigrés soit levé, il leur sera accordé sur le produit de ces biens, les secours qui leur sont nécessaires.
Les temps commencent à devenir meilleurs et les décrets se font moins sévères : celui du 21 décembre 1794 surseoit à la vente des biens des parents d'émigrés et en janvier suivant, des secours sont accordés aux familles qui n'avaient plus aucun revenu depuis plus d'un an !

► 28 avril 1795 : levée du séquestre mis sur les biens des pères et mères d'émigrés
Chaque père, chaque mère, chaque aïeul, chaque aïeule et autre ascendant ou ascendante dont un émigré se trouve héritier présomptif... sera tenu dans les deux mois de la publication du présent décret de fournir au directoire du district de son domicile la déclaration de ses biens...
Il y joindra les pièces justificatives, ensemble l'état nominatif de ses descendants succesibles, les certificats de non-émigration de ceux qui n'ont pas quitté le territoire de la république, et l'époque de l'émigration des autres.

Après fourniture d'une montagne d'attestations et de justificatifs, le séquestre est levé et les biens sont partagés et l'Etat récupère la part qui serait revenue à l'émigré. Le gouvernement est donc parvenu à ses fins!
Aussitôt qu'un ascendant d'émigré aura fourni sa déclaration,... le directoire du district de son domicile s'assemblera en scéance publique... et procédera avec l'assistance du procureur syndic, à la liquidation du patrimoine déclaré.... Si le patrimoine excède 20 000 livres, le directoire prélèvera d'abord cette somme pour l'ascendant. Il fera ensuite du surplus autant de parts égales qu'il y aura de successeurs présents ou émigrés, l'ascendant compté pour une...
Les citoyens qui voudront racheter... les portions de leurs anciens biens....sont admis à faire leur soumission dans les deux décades de l'arrêté.
Au moyen des dispositions ci-dessus, toute la législation relative aux familles des émigrés est abolie.

Tous ces décrets laissent imaginer le cauchemar de ces parents d'émigrés qui a duré presque deux ans, mais il y a eu pire puisque certains furent emprisonnés "sur le seul motif de parenté". Ce décret signe également leur élargissement. L'épreuve est donc terminée ! et généreusement les anciens propriétaires sont autorisés à faire soumission pour racheter leurs biens !
La page suivante donne des exemples concernant les biens des pères et mères d'émigrés du canton de Liorac et de Liorac même.
Source : Recueil Général des Lois et Arrêts concenant les émigrés depuis 1701 à 1825, par MM. Taillandier et Montgalvy , Paris 1825: 611 pages, c'est dire si l'Assemblée fut inspirée par le sujet!
note : pour faciliter la lecture, les dates républicaines ont été converties en dates grégoriennes.

@ Marie-France Castang-Coutou
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