Vente de biens nationaux à Liorac,
des enchères acharnées !

Cinq lots "dépendant ci devant de la cure" de Liorac ont été mis en vente aux enchères en avril 1791.
La procédure était toujours la même : estimation du bien, affiches placardées dans tout le département, et enfin vente aux enchères au chef-lieu du district, en présence des administrateurs membres du Directoire et de deux commissaires de chaque municipalité.
 
La vente se faisait à la chandelle, ce qui est une forme d'adjudication très ancienne : cela consiste à enchérir tant que deux bougies sont allumées. Leur extinction marque la fin des enchères. Une autre chandelle est alors allumée, si aucune autre nouvelle enchère ne survient avant son extinction, l’adjudication est prononcée au profit du dernier enchérisseur.
Les conditions de paiement : 12% du prix devaient être payés dans la quinzaine, et le reste en douze annuités égales avec 5% d'intérêt.

Comme nous allons le voir, les terres n'étaient désignées qu'approximativement en mentionnant leurs confontations, c'est à dire en indiquant les propriétaires voisins au nord, levant, midi et couchant. De plus les biens étaient vendus "dans l'état où ils sont avec toutes les servitudes et charges dont ils peuvent être légitimement tenus", mais ces charges n'étaient pas précisées lors des adjudications.
Seuls les gens du village connaissaient donc de façon précise les biens pour lesquels ils enchérissaient, et c'est sans doute pourquoi les offres provenaient essentiellement d'habitants de Liorac.
Voici le compte-rendu des enchères pour la vente de trois prés de la cure de Liorac :
Une pièce de pré d'environ cinq pognerées 1800 #
situé au lieu appelé da Treil en la paroisse de Liorac, qui confronte au levant le pré du Sr Mazet notaire Royal et à celui de la delle Pourquery au midi et au couchant encore un pré de ladite delle Pourquery et au nord au ruisseau de la loire.
Mise à prix de 1800 #, montant de l'estimation qui en a été faite.
Ledit article a été successivement enchéri par :
Pierre CHASSAGNE 1825 #, Jean MARTINOT (officier municipal de Liorac) 1850 #, MAZET notaire royal 1900 #, Pierre FERRIER 1925 #, Jean MARTINOT 1950 #, Pierre AUGEYROLLE (officier municipal de Liorac) 2000 #, Pierre CHASSAGNE 2025 #, Jean MARTINOT 2050 #, Pierre CHASSAGNE 2075 #, l'abbé PAULHIAC 2100 #, Jean BLANCHIER 2125 #, l'abbé PAULHIAC 2150 #, Jean MARTINOT 2175 #, l'abbé PAULHIAC 2200 #, Pierre CHASSAGNE 2225 #, l'abbé PAULHIAC 2250 #, Pierre CHASSAGNE 2275 #, l'abbé PAULHIAC 2300 #, Pierre CHASSAGNE 2325 #, l'abbé PAULHIAC 2350 #, Pierre CHASSAGNE 2375 #, l'abbé PAULHIAC 2400 #, Pierre CHASSAGNE 2425 #, l'abbé PAULIAC 2450 #, Pierre CHASSAGNE 2475 #, l'abbé PAULHIAC 2500 #.

Les dittes offres et enchères ayant été faites à l'extinction de plusieurs feux, il en a été allumé un dernier pendant la durée duquel personne n'ayant misé au dessus de ladite somme de 2500 #, nous commissaires susdits avons déclaré le sieur Pierre PAULHIAC, cy devant chanoine de l'église cathédrale St Front de la ville Périgueux, demeurant dans le bourg de Liorac dernier enchérisseur, adjudicataire définitif de l'article cy devant désigné , en conséquence lui avons adjugé la dite pièce moyennant le prix de 2500 #, dont douze pour cent sera payé par le dit sieur adjudicataire dans la quinzaine de ce jour et pour le surplus ledit adjudicataire fera douze annuités égales payables en douze ans d'année en année et dans lequel sera compris l'intérêt du capital à cinq pour cent sans retenue.
Une pièce de pré d'environ trois pognerées et demi 1000 #
le pré long, confrontant au levant au pré du sieur VALLETON, au midi au vieux ruisseau de la Loire, au couchant au pré de la delle POURQUERY et au nord de la terre du Sr MAZET Notaire Royal
Mise à prix 1000 #
Pierre FERRIER 1025 #, M CHASSAGNE 1050 #, M. FAGETTE de Lestang à 1100 #, CHASSAGNE 1200 #, FAGETTE 1400 #, Jean MARTINOT 1425 #(officier municipal), FAGETTE 1450 #, MARTINOT 1475 #, FAGETTE 1500 #, MARTINOT 1525 #, FAGETTE 1600 #, VALLETON 1625 #, FAGETTE 1650 #, VALLETON Teyssanderie 1675 #, FAGETTE 1700 #, VALLETON de la Roque 1725 #, FAGETTE 1750 #,VALLETON de la Teyssanderie 1800 #, FAGETTE 1850 #, VALLETON de la Roque 1875 #, Lestang 1900 #, FAGETTE 2000 #, VALLETON de la Roque 2025 #, Lestang 2050 #, VALLETON de la Teyssanderie 2075 #, FAGETTE 2100 #, VALLETON de la Roque 2125 #, FAGETTE 2200 #, VALLETON de la Roque 2225 #, FAGETTE 2275 #, VALLETON Teyssanderie 2300 #, FAGETTE 2400 #, VALLETON de la Roque 2425 #, FAGETTE 2450 #, VALLETON de la Roque 2475 #
Les dittes offres et enchères ayant été faites à l'extinction de plusieurs feux, il en a été allumé un dernier pendant la durée duquel personne n'ayant .... Elie VALLETON de la Roque dernier enchérisseur adjudicataire définitif....moyennant la somme de 2475 # , douze pour cent payé dans la quinzaine à la caisse du district et le surplus payable en douze annuités....
Payer 2475 # un pré estimé 1000 #, ce n'était sans doute pas "une affaire" !
Une pièce de pré d'environ trois poignerées 600#
le got du sorbier, confronte du levant et du midi au pré du Sr LAROCHE de Labigotie, du couchant au pré du Sr ROUSSILLE et du nord au ruisseau de la Loire.
Mise à prix 600 #
A été successivement enchéri par : CHASSAGNE 650 #, MARTINOT 655 #, MAZET notaire Royal 660 #, Pierre LOUBIAC 675 #, CHASSAGNE 700 #, MAZET 710 #, MARTINOT 715 #, MAZET 720 #, Les dittes offres et enchères ayant été faites à l'extinction de plusieurs feux, il en a été allumé un dernier pendant la durée duquel personne n'ayant mis au dessus de la somme, nous ... avons déclaré Pierre MAZET notaire Royal, habitant au lieu de la Casse, dernier enchérisseur, adjudicataire définitif.... moyennant la somme de 725 # , douze pour cent payé dans la quinzaine à la caisse du district et le surplus payable en douze annuités.
Ces documents appelent quelques remarques et commentaires :

Les biens de l'Église mis en vente à Liorac correspondent à une somme assez modeste, moins de 4000 # . Par comparaison, un seul pré de la cure de St Laurent du Bâton (appelé du prieuré ) fut vendu pour la somme de 7100 # ) à MAZET, le notaire royal de Liorac.

Les trois prés qui ont été adjugé étaient très bien situés, le long de la Louyre (appelée "Loire"), deux au sud : le pré "du Got du Sorbier" et le pré "du Treil" (dans un autre document, on trouve d'ailleurs la mention d'un moulin du Treil, mais où était-il ? il n'y a que trois moulins connus à Liorac) et un au nord, "le pré long". Ils ont tous les trois donné lieu à des enchères acharnées.

► L'adjudication des deux derniers articles (une pièce de terre d'environ une pognerée, 400 # et un petit morceau de jardin d'environ neuf à dix escats estimé 80 # n'apparait pas dans le registre. Peut être n'y a-t-il pas eu d'enchère égale à la mise à prix.

Les enchérisseurs étaient des gens de Liorac : on trouve ainsi le notaire Pierre MAZET qui a dû consulter les affiches de façon attentive, puisqu'il a acheté des biens dans d'autres communes, Pierre CHASSAGNE, propriétaire demeurant au village de Filolie, deux officiers municipaux Jean MARTINOT et Pierre AUGEYROLLE, les VALLETON de la Teyssanderie et ceux de la Roque, l'abbé PAULHIAC qui vivait retiré à Liorac et quelques autres enchérisseurs.

Ces quelques exemples montrent que c'est la bourgeoisie qui a pu acquérir la plus grande part des biens vendus et que ce système n'a guère favorisé les paysans les plus modestes et n'a surtout pas augmenté le nombre de propriétaires comme c'était le souhait de l'Assemblée !

@ Marie-France Castang-Coutou
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