Au cours des siècles beaucoup de peintures murales ont été recouvertes de multiples couches d'enduit les cachant à la vue et les protégeant ainsi jusqu'à nos jours.
S'il est difficile d'imaginer les motivations pour cacher ces peintures, cette action a eu au moins le mérite de les conserver et de permettre de les admirer après un long travail de restauration.
Plus grave, avec le débadigeonnage systématique des intérieurs d’églises au XIXe ainsi que dans la première moitié du XXe siècle,
beaucoup de peintures murales ont été irrémédiablement perdues, ce qui est une perte énorme.
On en voit un exemple dans l'église de Beaumont où le piquetage du badigeon pour retrouver le mur de pierres et faire des jointages au ciment a miraculeusement épargné une peinture :
Heureusement, selon D. AUDRERIE dans son ouvrage sur les "Peintures du Périgord" (voir référence plus bas) :
"le Périgord possède encore un important patrimoine d'oeuvres peintes sur les murs de ses églises, de ses châteaux ou de ses maisons privées.
Ce patrimoine prend place à la fois dans des monuments majeurs et dans des sites plus discrets en milieu urbain comme en pleine campagne.
Ce présent ouvrage propose un inventaire inédit des peintures murales du Périgord, avec pas moins de 176 sites recensés,
allant des grands cycles complets aux vestiges plus fugaces sans oublier les litres funéraires."
Nous en avons déjà visité quelques uns en Périgord et à chaque fois l'histoire se reproduit : des fresques cachées par des badigeons ont été redécouvertes
par hasard parce qu'un jour, un morceau d'enduit est tombé révélant un fragment de peinture.
Ensuite des associations et les municipalités ont tout fait pour les sauver . Nous en avons déjà rencontré dans plusieurs églises (voir le menu ci-contre):
◊ L'église Saint Martin de Limeuil
◊ L'église St Christophe à Monferrand du Périgord
◊ L'église St Léonce à St Léon sur Vézère
L'église Notre-Dame-de Moncuq (de l'Assomption) à Belvès
◊ l'église St Eutrope à Allemans-sur-Dropt en Lot et Garonne, à proximité du département de la Dordogne
Il en reste encore beaucoup à découvrir...Mais avant de poursuivre notre voyage, voici quelques informations concernant la technique des fresques et les pigments et couleurs utilisés.
PIGMENTS et COULEURS Comme nous avons pu le constater dans les églises déjà visitées, les couleurs employées sont essentiellement des rouges, jaunes et verts, du blanc et du noir.
et ces couleurs n'ont guère changé depuis l'époque préhistorique de la grotte de Lascaux :

Le bleu est quasi absent des fresques car les pigments "bleus" valaient très cher au Moyen Âge.
Le peintre choisissait ses pigments suivant leur disponibilité et leur prix. En effet, beaucoup étaient importés d'Orient et leur prix dépassait largement ce qu'il pouvait débourser .
Le contrat entre le commanditaire et l'atelier de peinture (plusieurs peintres étaient nécessaires pour un travail important) indiquait souvent les pigments à utiliser
et c'était le commanditaire lui même qui fournissait les plus onéreux, par exemple le lapis-lazuli (bleu) et bien sûr l'or.
Voyons les couleurs de base nécessaires aux artistes :
BLANC : le blanc de plomb ou céruse (carbonate de plomb),
toxique.
NOIR : les pigments noirs sont obtenus à partir de matériaux calcinés, des os ou du bois (en particulier de vigne)
VERT : - la malachite (carbonate de cuivre Cu
2CO
3(OH)
2), pigment minéral assez instable.
- le vert de gris, pigment minéral synthétique, résultant de l'attaque du Cuivre par un acide.
Ce sont des sulfates de cuivre,dont la nuance dépend du moyen de préparation.
toxique
JAUNE : l'orpiment (trisulfure d'arsenic As
2S
3) fournit une teinte dorée, utilisée à la place des feuilles d'or.
toxique.
ROUGE : - l'hématite (Fe
2O
3) contenue deans les terres et ocres naturelles
- le cinabre (sulfure de mercure HgS)
toxique.
- le kermès, d'origine animale, provenant d'insectes parasites d'une catégorie de chênes : les insectes femelles, recueillis et séchés fournissent un pigment d'un beau rouge.
- la litharge (PbO), l'une des formes minérales naturelles de l'oxyde de plomb.
toxique.
BLEU :
- le lapis-lazuli : la pierre véritable provenait des mines d'Afghanistan. L'éloignement de la source du minéral justifiait les prix particulièrement élevés du pigment.
- l'azurite composé minéral (carbonate de cuivre hydraté Cu
3(CO
3)
2(OH)
2) , beaucoup moins cher que le lappis lazuli
mais qui est instable : la couleur bleue de ce pigment a tendance à virer au vert (malachite).
- Les pigments bleus synthétiques teintés par le cobalt ou le cuivre existent depuis l'Antiquité : le "bleu égyptien" à base de cuivre était connu des Romains sous le nom de caeruleum.
Nombre de ces pigments à base de métaux lourds sont des poisons et sans doute beaucoup de peintres de fresques ont dû être intoxiqués et mourir prématurement.
LA TECHNIQUE DES FRESQUES
Le mot "fresque" provient de l'italien "a fresco": le mur était enduit d'un mortier à base de chaux et le peintre devait poser la peinture sur l'enduit encore humide.
Il n'avait donc que peu de temps pour travailler, au mieux quelques heures. Il devait donc prévoir avec précision la surface qu'il pouvait peindre chaque jour.
Il esquisse son dessin , ce qui n'est pas toujours simple perché sur un échafaudage, en particulier pour les voûtes des églises.
Ses pigments sont prêts : ce sont des pigments naturels, d'origine minérale, végétale ou animale, broyés plus ou moins finement : ce sont donc des poudres.
Mises en suspension dans un liant liquide (blanc d'oeuf, caséine, huile ou résine) elles vont être déposées à la surface du support.
Le peintre ne mélangeait pas les pigments mais utilisait des couches successives plus ou moins diluées pour modifier les nuances, tout un travail d'artiste !
REFERENCES
► Conférences au Louvre de Michel Pastureau :
voir ICI sur Youtube
► Les peintures de l'Eglise d'Allemans-du-Dropt, Revue de l'Agenais et des anciennes provinces du Sud-Ouest,1935, p217-225. Disponible sur Gallica.
► Peintures murales en Périgord (Xe-XXe siècle), Dominique AUDRERIE, Editions Confluences, 2021.