Curieusement, l'existence du château de Clérans est attestée pour la première fois en 1100 par le récit de sa destruction !
C'est ce que raconte le cartulaire de l'abbaye d'Uzerche que l'on peut consulter sur le site de Guyenne
ICI (charte 266)
et la traduction des quelques lignes qui concernent l'incendie du château de Clérans dans un bulletin de la SHAP (1891-p185) :
"Raymond, vicomte de Turenne, déclare que, repentant d'avoir détruit par le feu le château de Clérans, dont il a fait périr les habitants , hommes et femmes, il est demeuré tout le carême dans le monastère d'Uzerche avec les serviteurs de Dieu qui y résident; et voulant les récompenser des bienfaits dont il leur est redevable, il promet d'être le gardien fidèle et vigilant de l'obédience de Montcuq, appartenant en propre aux moines d'Uzerche."
Donc après la destruction d'un château et le meurtre de peut être une centaine d'habitants, quarante jours dans un monastère et une promesse d'aide
permettaient de se remettre l'âme au propre ... avant sans doute de recommencer à la première occasion ! étonnant !
Avant 1100, le château de Clérans était sans doute construit en bois, bâti sur une motte et entouré de palissades.
Reconstruit alors que les premiers châteaux-forts de pierre apparaissaient, plusieurs fois modifié et transformé entre le XIIe et le XVe siècles,
voyons à quoi il ressemble presque mille ans plus tard.
L'ÉTAT ACTUEL DU CHÂTEAU DE CLÉRANS
Le château se situe au milieu du bourg de Clérans qui a gardé quelques beaux toits périgourdins, à environ 1 km de l'église paroissiale de Cause.
Son enceinte (environ 60m sur 30m), placée sur une butte ressemblant à une motte, est entourée de larges murailles de pierre et d'un fossé:
au dessus de la route qui traverse le village, l'emplacement du fossé autour des murailles.

Voici un plan très approximatif du site : le donjon occupe l'angle nord de l'enceinte. Un logis lui fait face sur le mur sud. La chapelle est établie à cheval sur l'enceinte sur la face ouest. Elle sert d'habitation à l'actuel propriétaire qui a la gentillesse d'ouvrir le site au public tous les ans, lors des journées du patrimoine.
LE DONJON :

Imposante tour aux murs épais (~2m), d'environ 22 m de haut, le donjon de Clérans est en partie ruiné.
Le donjon est inscrit à l'inventaire des Monuments Historiques depuis 1948.
A l'intérieur du donjon, la position des ouvertures suggère quatre niveaux de planchers. Mais la diversité des niveaux d'encastrement des poutres montre que le nombre "d'étages" a changé au cours des diverses phases de construction et de reconstruction.
A la fin du XIIIe siècle, le donjon a été doublé quasiment à l'identique.
On peut remarquer une porte en plein cintre et deux fenêtres géminées à meneaux avec des arcatures trilobées.
Faisant face au donjon, les restes d'un logis sur la façade sud-ouest. Il comprend deux niveaux :
en descendant un escalier, on arrive dans une grande salle voutée, sans doute une salle de garde, dont les murs très épais rappellent les parties
les plus anciennes du donjon. Il est donc très probable que les deux bâtiments soient sensiblement contemporains. La fenêtre permettait de surveiller le fossé surmonté d'un pont-levis :
La fonction de logis de l'étage supérieur est attestée par des réaménagements plus tardifs, datant de la fin du XVe siècle : fenêtre, montant de cheminée et surtout un magnifique décor peint composé d'un ensemle de triangles rectangles, placés de part et d'autre de lignes claires, chacun recouvert d'une teinte différente.
La chapelle se situe sur l'enceinte de la face ouest. Le bâtiment a été rénové à usage d'habitation.
On peut encore en admirer la porte d'entrée surmontée d'un blason malheureusement très abimé :
Des Seigneurs tantôt français, tantôt anglais, la guerre de Cent ans, des seigneurs-capitaines et leurs bandes de mercenaires, les guerres de Religion et refuge des Protestants, jusqu'à finir comme carrière de pierre, Clérans a tout vu et tout subi avant d'être miraculeusement sauvé au XXe siècle.
Au XIIe siècle, les seigneurs de Clérans étaient à la tête d'une importante châtellenie qui comptait une douzaine de paroisses, dont Liorac.
D'abord vassale des seigneurs de Bergerac, la châtellenie fut donnée en 1267 par le roi d'Angleterre à la bastide de Lalinde qu'il venait de créer.
Au début de la guerre de Cent ans, le château abritait une garnison de mercenaires qui changeait allégrement de camp selon les opportunités d'emploi.
Vers 1380 , c'était l'époque des "seigneurs capitaines" : à Clérans, des bandes se regroupaient sous le commandement de chefs de guerre,
tel Amanieu de Mussidan. A partir de leur base, les troupes effectuaient des attaques, pillaient et rançonnaient la riche vallée de la Dordogne.
A la fin de la guerre de Cent ans, le château de Clérans fut désarmé.
Au XIVe siècle la châtellenie de Clérans rentra dans l'orbite des seigneurs de Limeuil, eux mêmes vassaux de la vicomté de Turenne (encore!).
Au XVe et XVIe siècles, des petits seigneurs firent construire le logis dont on voit encore les vestiges.
Ces nouvelles familles se tournèrent très vite vers le mouvement de la Réforme et jusqu'au début du XIXe siècle, Clérans abrita une communauté protestante,
alliée aux familles du Bergeracois.
A la Révolution, les ruines du château furent utilisées comme carrières de pierre, jusqu'à leur acquisition par la famile Laurent, déjà propriétaire de Garraube à Liorac : Jacques Charles Laurent acheta les ruines de Clérans en 1938, fit inscrire le donjon à l'Inventaire supplémentaire des Monuments Historiques, et entreprit des travaux de consolidation du donjon. Ses descendants l'ont conservé jusqu'en 2007.
L'actuel propriétaire a effectué une magnifique restauration et ouvre le site au public tous les ans en septembre lors des journées du patrimoine.