l'intendant dresse le bilan de ces années de misère : 60 000 morts dans l'élection de Périgueux !
Le 29 octobre 1693, il écrit :
ll faudra plusieurs années au Périgord pour se remettre de ce qui est arrivé, parce que, soit pour leur subsistance ou pour le payement des subsides, il y en a un grand nombre qui ont esté obligés de vendre tous leurs meubles
et leurs petits ustensiles; cela ne se peut rétablir de longtemps. L'on ne fait presque plus le nourrissage de cochons, ce qui estoit d'un grand secours et servoit pour la plupart au payement de la taille. Il y a eu
mortalité de bestiaux dans quelques paroisses de l'élection de Périgueux mais il y a beaucoup d'endroits où ils ont esté vendus, parce qu'ils estaient fort chers; c'est ce qui donne de la peine en des paroisses
pour la semence des terres, parce qu'elles ne se trouvent pas préparées pour la recevoir. Il y a encore des lieux où les blés ne sont pas battus, à cause du grand nombre de malades.
Le Périgord estait un pays très peuplé il est mort dans les élections de Périgueux et de Sarlat plus de soixante mille personnes, y compris les petits enfans depuis un an.
(De Boilisle TI, n°1241)
et plus tard, le 30 septembre 1695 :
Le Périgord était un pays très peuplé. Il manque présentement du monde pour la culture des terres à cause de la grande mortalité qu'il y a eu depuis le mois de juin 1692 jusqu'au même mois de l'année 1694.
Cela contribue à ce qu'il y aura peu de vins parce qu'on ne travaille pas bien les vignes ...
un nombre impressionnant, mais qui n'est sans doute qu'une évaluation puisqu'aucune étude de population n'existait à cette époque.
Le Périgord comptait alors 524 paroisses, ce qui fait une moyenne de 115 décès par paroisse (petite ou grande).
C'est d'ailleurs ce que l'on trouve approximativement pour nos deux paroisses de référence, Queyssac et Cause de Clérans.
Cette proportion semble énorme et j'ai tenté d'éstimer ce qu'il en avait été pour les villages près de Liorac.
Mais pour cela, il fallait évaluer la population avant la crise.
En 1709, donc après les famines de la fin de siècle, Saugrain a publié le nombre de feux des paroisses du royaume. Queyssac avait alors 162 feux, Cause 251 et Liorac 152.
On peut raisonnablement supposer que ce nombre de foyers n'avait pas vraiment changé depuis 1690 et que seul le nombre de personnes par foyer avait diminué pendant les famines.
En "période normale" il y avait 5 personnes par feu et c'est ce nombre que j'ai utilisé pour évaluer la population avant la crise et ainsi le pourcentage de décès.
Comme nous pouvons le voir, cette évaluation (8% de la population pour Cause et 14% pour Queyssac) est beaucoup plus faible que celle annoncée par L'intendant :
* Il s'agit sans doute l'ergot du seigle, champignon parasite qui infecte les céréales et qui est responsable de l'ergotisme connu sous le nom
de feu de Saint Antoine.
Ainsi, la fin de siècle s'annonce difficile pour le Périgord.
Il y aura en effet
pour des raisons climatiques fort semblables. Mais à Liorac, la mortalité est restée normale en 1699 et n'ayant pas d'autre document spécifique à Liorac, je n'évoquerai pas cette période
et je renvoie le lecteur intéressé aux excellents articles de P. ROUGIER (ref. ci-dessous).