Le couple pendant la guerre

A Liorac, plus de la moitié des hommes mobilisés étaient mariés et en partant au combat laissaient une famille derrière eux. Comment ces couples ont-ils vécu cette séparation de plus de quatre ans ?
Le 3 août 1914, c'est le départ des soldats pour le front : chaque homme est accompagné à la gare par sa fiancée ou son épouse, ses enfants et ses parents. Un peintre américain, Albert Herter, réalisera en 1926 un immense tableau mettant en scène le départ des Poilus à la gare de l'Est à Paris : les visages sont graves, quatre soldats sont encore sur le quai, l'un berce un nourrisson, un autre porte son enfant, un troisième serre contre lui son fils et sa fille et enfin un dernier étreint son épouse. A l'avant du tableau, un père est effondré, terrassé par le chagrin. Les adieux sont poignants mais dignes, les soldats ne pleurent pas ! On lit d'ailleurs dans le journal l'Intransigeant du même jour les "règles" concernant "le droit" de pleurer, "aussi abondamment que leur sensibilité l'exige" pour les femmes et "deux larmes au dernier moment" pour le soldat qui s'en va.

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Pourtant tous pensent à ce qui les attend, au sort de leur femme, de leurs enfants et aussi de leurs vieux parents dont ils sont le seul soutien et qu'ils laissent en pleurs et sans ressources au foyer abandonné. Sans aucun doute les mêmes scènes se reproduisent dans toutes les gares de France.
 
la séparation :
Les hommes sont partis, les couples sont séparés, mais personne ne pense que la guerre va durer 1562 jours !
La séparation est illustrée par un amour en cage "victime de la guerre" car empêché de voler du fait de la séparation des êtres chers. Mais comme l'indique la légende, il attend la Victoire : cette carte permet à ceux que la guerre a séparés d'exprimer leurs sentiments et leur impatience de se retrouver. (production "Patriotic", collection Annie Leygue)
. Une nouvelle organisation conjugale se met en place et la consolidation de liens dans l'absence passe par le courrier : en effet l'acte d'écriture est premier geste d'accomodation à l'éloignement et jamais les Français ne se sont autant écrit que pendant la Première Guerre mondiale. Si le rythme d’une lettre par jour était courant, le soldat en recevait parfois plusieurs et cela lui montrait qu'il n'était pas oublié. Pourtant les soldats ne pouvaient pas écrire grand chose, pas d'information sur la position ni de détails sur la vie au front. L'épouse savait seulement qu'il était "en bonne santé" et les écrits intimes se limitaient à "un gros poutou" ou une "tendre caresse" (les lettres ne devaient pas être fermées).
Plusieurs pages de ce site traitent du courrier pendant la guerre (voir le menu en haut à gauche) :

○ Lettres de Poilus de Liorac
○ Cartes postales de guerre
○ Les femmes et la correspondance

 
les premières permissions :
En 1914, la guerre devait être courte, et il avait été décidé qu'il n'y aurait aucune permission. Quelques rares permissions furent accordées aux soldats pour les travaux agricoles.
Les blessés avaient droit à une permission de 7 jours à leur sortie d'hôpital avant de repartir au front ! Par contre, les officiers bénéficiaient de permissions régulières comme en temps de paix . Des disparités qui pouvaient conduire à des rébellions et le 30 juin 1915 le général Joffre accorde 8 jours de permission à tous les soldats, par roulement. La carte postale ci-contre met en scène un permissionnaire et son épouse, après 1915 (puisqu'il porte l'uniforme bleu horizon et le casque Adrian).
Bien sûr, suivant la situation sur le champ de bataille ces permissions pouvaient être suspendues ou repoussées et dans ces conditions incertaines difficile de programmer un mariage !
 
les mariages
Comme le montre le graphique ci dessous, une des conséquences directes de la guerre fut la presque complète disparition des mariages mais bien qu’on assiste à une baisse de leur nombre, la guerre ne les a pas complètement empêchés. Dans un souci de préserver l'institution du mariage, le législateur a même accordé la possibilité d'un mariage par procuration pendant la durée de la guerre ! (ces mariages par procuration ont été rares et aucun n'a eu lieu à Liorac). Les soldats attendaient une permission pour se marier.

En effet, le rêve de tout jeune soldat est d'obtenir une permission, de rentrer au pays, de retrouver sa fiancée (ou plus rarement sa concubine) et de se marier. En effet, il risque la mort tous les jours et seul le mariage peut mettre à l'abri du besoin sa fiancée, sa concubine et ses enfants. Mais jusqu'au 30 juin 1915 il n'y a pas de permission . Ensuite, chaque soldat a droit à 8 jours par roulement et beaucoup en profitent pour se marier.

► Le dernier mariage, qui a eu lieu à Liorac avant le début de la guerre, fut célébré le 13 juin 1914 : Léonce LAVANDIER, horloger, 27 ans, né à Lamonzie Montastruc, habitant Campsegret, épousa Françoise ALARY, 20 ans, née à Liorac. Le jeune marié partit à la guerre le 3 août 1914, fut plusieurs fois blessé et ne fut libéré de ses obligations militaires que le 20 juillet 1919. Cinq ans de séparation, débuts difficiles pour un jeune couple !
► En 1915, il n'y eut qu'un mariage à Liorac :
le 13 février 1915, François CHAUME, né à Mareuil en 1888 épousa Dorothée GAUNARD, née à St Marcel mais demeurant à Liorac, au Sorbier. Le futur était un homme d'équipe à la Compagnie d'Orléans (les chemins de fer) et à ce titre, il fut mobilisé dans son emploi et demeura en Dordogne.
► En 1916 , malgré les permissions régulières accordées à chaque soldat, pas de mariage à Liorac.
► En 1917, on observe une nette remontée du nombre de mariages (5), sans que l'on puisse en donner la cause.
◊ Le 13 février 1917, Jean Adrien PREVOT, né à Baneuil en 1892, soldat au 126eRI épouse Zulma DESPLAT, née à Liorac. Le jeune marié va tomber malade pendant la campagne d'Italie, et meurt le 14 janvier 1919. Il fut donc déclaré "Mort pour la France" et son nom est inscrit sur le Monument aux Morts de Baneuil. Leur mariage n'aura duré que deux ans !
◊ Le 5 mai 1917, Elie LARDAT, né à Creysse en 1890, sergent au 108eRI, blessé le 12 mars 1817, en traitement à l'hôpital n°7 de Bergerac, épouse Julie FAYOLLE demeurant à Liorac aux Bigayres : depuis décembre 1914, les blessés, à leur sortie d'hôpital, ont droit à une permission de 7 jours de convalescence et il a sans doute profité de cette opportunité pour se marier.
◊ Le 24 mai 1917, Abel REVERSADE, né à Cause en 1886, mobilisé comme caporal au 9e RI, ouvrier charpentier à Liorac, épouse Marie BRACHET demeurant aux Bigayres à Liorac.
◊ le 6 juin 1917, Elie DELANY, né à Liorac en 1890, mobilisé comme caporal téléphoniste au 308e RI, épouse Jeanne MAZIEUX domiciliée aux Granges, à Liorac.
◊ le 11 aoûtl 1917, Jean PROPY, né en 1890 à Liorac, résidant au Sorbier à Liorac, réformé définitif suite aux séquelles d'une chute de cheval, se marie avec Louise GAUMARD.
► Deux mariages ont été célébrés en 1918 :
◊ le 11 mars 1918, Alton Jacques BOURBON, né à St Félix en 1885 , soldat au 115e RAL, épouse Marie CHAVEROU née à Liorac.
◊ et le 26 octobre 1918 Jean CHADOURNE né à Beauregard et demeurant au Cluzel se marie avec Marguerite CARSAT née à Liorac. Il était réformé et ne rentre pas donc dans cette courte étude de mariages de militaires pendant la guerre de 14.
Après la signature de l'armistice, on observe un "pic" de mariages : 10 en 1919 et 6 en 1920 !
 
les naissances
Même si on ne souhaite pas faire d'enfant en période de guerre -ce n'est pas en période de pénurie, qu'une bouche supplémentaire à nourrir est la bienvenue, surtout dans les familles modestes-, des naissances continuent d’avoir lieu. Lorsqu'il arrive, l’enfant symbolise l'avenir et sans doute l'espoir d’une paix prochaine.

Les enfants nés à Liorac pendant cette période de guerre sont ceux des jeunes couples cités précédemment mais aussi ceux de couples déjà mariés avant le début de la guerre. On peut remarquer que le "pic de mariages" de 1919 est suivi d'un "pic de natalité" en 1920.

@ Marie-France Castang-Coutou
Contact: postmaster*liorac.info (remplacer l'étoile par @)