Le testament de Jehan Mounediere

L'image ci-dessous montre le début de l'acte et ce petit échantillon est suffisant pour montrer les difficultés de lecture d'un document de cette époque : la graphie, les tournures de phrases et les abbréviations rendent difficile le déchiffrage d'un texte, pourtant écrit en français ! Je tiens à remercier ici Olivier Point qui m'a encore une fois gentiment aidée pour déchiffrer cet acte.

Ci-dessous la transcription de la première page. Les numéros correspondent aux lignes du document original, qui en comporte 130 ! Dans la suite, vue la longueur du document, je me limiterai à la transcription des parties les plus intéressantes.
Comme tout acte, le testament suivait un plan précis, avec des formules qui peuvent paraitre stéréotypées et dictées par le notaire, mais elles reflétaient fidèlement l'esprit et les croyances de la population.

Le préambule :

Après le titre, le testament commence par une invocation qui place ce qui va suivre sous le regard de Dieu, "Au nom de Dieu soit !", suivie d'une formule qui affirme le caractère public de l'acte "sachent tous qu'il appartiendra ". Viennent ensuite la date, le lieu et l'heure, puis une référence au Roi "régnant Louis par la grâce de Dieu, roi de France et de Navarre". Suivent ensuite les nom, prénom et surnom du testateur, et les circonstances de l'acte : "malade de son corps...mais étant dans ses bon sens mémoire et entendement", cette dernière mention est en effet indispensable pour que le testament soit valable ! La présence du notaire et des témoins confirme l'authenticité de l'acte : "par devant moi notaire royal soussigné, présents les témoins bas-nommés".
Le cadre est donc posé et après quelques considérations philosophiques sur la mort et son caractère inévitable, le véritable testament peut commencer !

15 octobre 1656 Testament de Jehan Mounediere dit gallianaud

1  Au nom de Dieu soit ! sachent tous qu'il appartiendra
2  que aujourd'hui quinzième jour du mois d'octobre
3  mil six cent cinquante et six, au village de la Roche,
4  Paroisse de Liourac, Maison de jehan Mounediere
5  dit gallianaud, juridiction de Clérans en périgord ,
6  environ l’heure de quatre heures après midi, régnant
7  Louis par la grâce de Dieu, roi de france et de
8  navarre, par devant moy notaire royal soussigné, et
9  présents des témoins bas nommés, a été présent ledit
10  Jehan Mounediere dit gallianaud habitant dans
11  le présent village, lequel étant dans ladite
12  maison couché sur un lit sans bouger, malade de
13  son corps de certaine maladie à lui inconnue
14  toutes fois étant par la grâce de dieu en ses
15  bon sens mémoire et entendement, considérant
16  qu'il n'y a rien chose au monde plus certaine que
17  la mort ni chose plus improbable que l'heure d'icelle,
18   voulant partir de ce monde sans
19  au préalable avoir disposé du peu de biens
20  qu'il a plu à dieu lui donner, affin
21  que procès ni différend ne soient mûs
22  ni ? entre ses parents et amis et
23  héritiers bas nommés a cette cause a fait
24  et ordonné son testament en la forme et
25  manière que s’ensuit.

Les clauses pieuses :
Le testateur commence par faire le signe de Croix, affirmant ainsi son appartenance à la communauté chrétienne.
Viennent ensuite les invocations religieuses : d'abord à Dieu le Père, le juge suprême, puis à des intercesseurs auprès de Jésus-Christ qui vont intervenir en faveur de l’âme du défunt, la "benoite" Vierge Marie et tous les Saints et Saintes du paradis. Cette mention à la Vierge et aux Saints prouve de façon indubitable que Jehan Mounediere n'était pas protestant.
La présence de toutes ces formules religieuses, du signe de croix jusqu’aux multiples invocations, révèle une population lioracoise croyante et imprégnée de religion.
Le testateur indique ensuite ses volontés concernant ses funérailles. Il donne peu de directives, laissant à sa femme le soin d'en régler les détails. En particulier il ne commande pas de messes pour le repos de son âme, n'indique pas le nombre de prêtres devant être présents le jour de son enterrement. La seule volonté qu'il exprime concerne son lieu de sépulture. Il a les moyens et a donc le choix entre être inhumé gratuitement dans le cimetière ou moyennant finances dans l'église : il choisit d'être enterré dans l'église de Liorac auprès de ses parents.
Il termine cette partie en donnant aux pauvres la somme de 20 sols "pour la gloire de Dieu", à payer par ses héritiers le jour des funérailles et un an après. Là encore, la présence de ces pauvres est l’occasion de faire une action charitable pour essayer d’obtenir la clémence de Dieu.
27  A recommandé son âme et corps à Dieu le père
28  tout puissant et à la benoite vierge marie
29  à tous les saints et saintes de paradis les priant
30  être ses advocatz et intercesseurs envers notre
31  Seigneur Jésus Christ et le prier lui bien vouloir faire
32  miséricorde et après que son âme sera séparée
33  de son corps la vouloir colloquer parmi les
34  bienheureux en son royaume céleste du paradis,
35  a dit aussi ledit testateur qu’après que son âme
36  et corps seront séparés veut son susdit corps être
37  enseveli dans l'église dudit liourac et tombeaux
38  de ses feus père et mère parents et amis
39  défunts trépassés quant à ses honneurs funèbres
40  s’en remet à la discrétion de Marqueze
41  Chavagnier sa femme et héritière bas nommée

@ Marie-France Castang-Coutou
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