Forgerons, taillandiers
et maréchaux-ferrants
à Liorac après la Révolution

     page mise en ligne le 25 novembre 2022   

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APRES LA REVOLUTION, aux XIXe et XXe siècles, nous retrouvons la plupart des familles référencées au siècle précédent, plus quelques nouvelles.

■ En 1811, Jean TEYSSIER maréchal-ferrant à Cause de Clérans vient épouser à Liorac Marie LAMBERT : cette lignée des Teyssier constitue la branche maternelle du Général Sarazac, né dans une maison en bas du bourg de Liorac.
On trouve ensuite en 1816 la naissance de Jean TEYSSIER, fils de ce couple Jean et Marie Lambert, qui sera taillandier et dont le fils Pierre né en 1849 exercera plus tardle même métier assurant la continuité du métier….

Famille TEYSSIER à Liorac

■ En 1835 Jean TEYSSANDIER maréchal-ferrant à Mouleydier (mais né à Liorac en 1795 selon un acte de notoriété nécessaire puisque beaucoup d'actes de la période révolutionnaire manquent) vient épouser à Liorac Marie POMEYRET.
Pierre, le père de Jean, exerçait au bourg de Liorac un métier peu courant : "artiste vétérinaire"
Dans son site ICI D.CHATRY explique que "l'artiste vétérinaire" était un vétérinaire ayant suivi les cours d'une école vétérinaire à la différence d'un maréchal soignant qui exerçait occasionnellement des activités de vétérinaire. Pierre TEYSSANDIER avait certainement transmis à son fils Jean de précieuses connaissances anatomiques sur les bovins et les chevaux, très utiles pour un maréchal-ferrant.
Sur un document de la mairie de Liorac recensant la population du bourg autour de 1800 et il y avait "Teyssandier médecin à bœufs" : c'était l'artiste vétérinaire Pierre TEYSSANDIER, âgé de 40 ans, marié à Lucie Perrot 36 ans. Ils avaient déjà quatre enfants, dont leur fils aîné Jean alors âgé de 7 ans :

Archives de la mairie de Liorac

 
■ en 1804, Elie CHAVERON maréchal-ferrant, marié à Marie Berland décède au bourg à 42 ans.
Son frère Henry CHAVERON est toujours forgeron au bourg. Leur père Gabriel Chaveron est mort en 1800.
■ les forgerons formaient régulièrement des apprentis, souvent leurs fils ou des garçons de leurs collègues : ainsi on apprend qu'en 1806, Jean ROUDIER, garçon forgeron demeurant au bourg de Liorac, âgé 21 ans meurt (maladie ou accident ?) et c'est le maître du défunt, Henri CHAVERON 41 ans, forgeron au bourg de Liorac, qui déclare son décès.
■ en 1814, Pierre FARDET,forgeron au bourg, fils de Elie et Marie Chassagne de la Gareille épouse à Creysse Marie Desjouas fille d'un serrurier restant ainsi dans une familles d'artisans du fer !



A partir de 1836, les recensements de population réalisés en général tous les 5 ans, et disponibles sur le site des Archives de la Dordogne, donnent une image plus complète des familles d'artisans exerçant les métiers du fer à Liorac .
Au cours des recensements successifs, de nouveaux noms vont apparaître, parfois à l'occasion de mariages.
Recensement de 1836 :
Pierre TEYSSANDIER 96 ans est toujours "artiste vétérinaire".
Pierre TEYSSIER 23 ans est taillandier et vit avec sa mère Marie Lambert, veuve de Jean Teyssier forgeron, décédé à 42 ans en 1829.
Guillaume LAMBERT 46 ans est lui aussi taillandier. Il a épousé en 1820 à Bergerac Marie Belordre et a rejoint un atelier à Liorac.

Un nouveau nom apparaît sur le recensement de 1836 : la famille MOUYNAT qui va exercer le métier jusqu'au XXe siècle à Liorac. Antoine MOUYNAT 23 ans, originaire de Creysse, fils de Pierre Mouynat et Marie Delmas, mariés à Creysse en 1798, est forgeron à Liorac. Son père Pierre n'était pas forgeron, mais son grand-père maternel Jean Delmas exerçait ce métier à Creysse. Peut être l'origine de sa vocation…
Antoine se marie en 1835 à Liorac avec Catherine Lavergne, ils ont de nombreux enfants et comme nous allons le voir, il est à l'origine d'une dynastie de forgerons à Liorac (cases colorées sur l'arbre familial) :




Pousuivons à présent l'examen des recensements de Liorac.

Recensement de 1841 :
On retrouve au bourg :
• Guillaume LAMBERT taillandier, époux de Marie Belordre : leur fille aînée, Jeanne, a épousé Elie LAFORET un taillandier venu de St Martin des Combes qui aide à présent Guillaume. Marie Lambert, veuve Teyssier, est toujours vivante et son fils Pierre TEYSSIER est toujours taillandier au bourg.
• A côté de cet atelier, Antoine MOUYNAT époux de Catherine Lavergne, est taillandier . Dans quelques années, leur fils aîné, Pierre Mouynat continuera sur les traces de son père.

Recensements de 1846, 1851, 1856, et 1861 :
On retrouve les mêmes artisans concentrés au bourg de Liorac : Guillaume LAMBERT, Elie LAFORET, Pierre TEYSSIER et Antoine MOUYNAT, tous notés taillandiers, donc quatre artisans du fer, le bourg devait retentir des coups de marteaux ! On perçoit ainsi la place qu'occupait le fer et les outils dans la vie quotidienne des paysans de Liorac.

Recensement de 1866 :
Guillaume LAMBERT avec son gendre Elie LAFORET animent toujours leur atelier de taillandiers au bourg de Liorac.
En 1866, Pierre TEYSSIER, 53 ans, a fondé une famille avec Anne GAUTHIER, il est toujours taillandier au bourg. Il a un fils Jean de 16 ans.
Antoine MOUYNAT, 58 ans, veuf depuis deux ans, travaille avec ses fils leur apprenant le métier. Pierre Mouynat,27 ans, le fils aîné d'Antoine et de feue Marie Lavergne est ouvrier forgeron dans l'atelier de son père.

Pierre Mouynat épouse en 1866 à St Félix Jeanne Lafaye, de nombreux enfants vont naître et certains poursuivront le métier à Liorac. Contrat de mariage passé le 16 avril 1866 devant Me Laterriere, notaire à Mouleydier (Archives Départementales 3E 12957):
A l'occasion de ce mariage, les deux pères donnent aux futurs époux les biens qui vont leur permettre de commencer leur vie de couple. Il était d'usage lors du mariage du fils aîné de lui transmettre les outils nécessaires pour poursuivre le métier. En plus de la part de la succesion de sa mèe qui doit revenir à Pierre, le père Antoine MOUYNAT forgeron donne à son fils Pierre :
• la jouissance de la boutique de forgeron située au bourg, de la clientèle et des outils :
un soufflet estimé 50F
une enclume 100F
deux étaux 60F
trois marteaux à frapper 15F
six tenailles 6F
un travail à ferrer 100F
deux filières 12F
une chaîne à ferrer 5F
deux limes 2F
1 meule à aiguiser 5F
soit un total évalué à 360F.
• la jouissance d'une chambre au rez de chaussée de sa maison située au bourg de Liorac, chambre alors louée au Sr Coly (scieur de long).
Cette donation en usufruit impose au fils de verser à son père une rente annuelle en froment Par comparaison, le père de la mariée a donné la somme de 600F.

 
Recensement de 1872 :
Antoine MOUYNAT 64 ans travaille avec son fils Pierre 34 ans. Ce dernier a déjà 2 fils et une fille. Pierre TEYSSIER 59 ans travaille toujours avec son fils Jean âgé de 25 ans.
Recensement de 1876 :
On retrouve toujours Pierre TEYSSIER, taillandier 64 ans et son fils Jean 30 ans. Antoine MOUYNAT 69 ans travaille avec son fils Pierre 37 ans.
Recensement de 1881 :
Julien TEYSSIER, 32 ans est taillandier marié à Marie Lambert , une fille Marie 1 an. Pierre MOUYNAT 41 ans,marié à Jeanne Lafaye, est forgeron. Son fils Elie, 14 ans travaille avec lui comme forgeron. Plusieurs frères plus jeunes, Alphonse 12 ans, Louis 7 ans, Eloi 5 ans, se préparent pour prendre la relève...
Recensement de 1891 
Pierre MOUYNAT, 53 ans, époux de Jeanne Lafaye, est toujours forgeron au bourg de Liorac Il a trois fils à Liorac: Louis 17 ans, Eloi 14 ans et Paul 11 ans. Pierre TEYSSIER fils 41 ans, marié à Esther LAMBERT a un atelier avec un ouvrier Antonin FAVART 17 ans.
Recensement de 1901 :
La famille MOUYNAT est toujours au bourg, mais le père Pierre Mouynat 62 ans, n'est plus noté forgeron : ses fils Louis 28 ans, Eloi 24 ans, Paul 20 ans assurent la relève. Antoine Elie s'est marié avec Marguerite Boussenot, il a deux fils, Albert 6 ans et Gabriel 4 ans. Il est forgeron au bourg.

Lors de ce recensement, on trouve aussi deux nouveaux forgerons au bourg :
Pierre PEYRICHOU, forgeron de 28 ans, né à Cause de Clérans , marié à Marguerite Chort de Liorac fille de Paul Chort et Jeanne Rambaud : ils ont deux filles.


Pierre LABORIE, forgeron, né à Monsec en 1872, marié en 1900 à Jeanne Feyte de Lamonzie Montastruc. Une fille naît au bourg de Liorac en 1902. Je n'ai pas pu faire le lien avec la famille LABORIE qui habitait au Sorbier.
Pourtant , une photographie d'un outil inconnu avec le nom LABORIE gravé dessus et une date bien antérieure, 1838, qui était dans le jardin de la maison de famille Mouynat-Foulquier suggère l'existence d'un forgeron Laborie en 1838, jamais rencontré auparavant (mais une autre possibilité serait que cet outil ait été forgé par un membre de la famille Mouynat pour un client Laborie, mais dans ce cas aurait-il écrit le nom et la date? : la question subsiste donc !

La guerre de 14-18 a chamboulé le pays, beaucoup de lioracois ont été mobilisés et trop ne sont pas revenus.
Les maréchaux ferrants et forgerons étaient bien sûr très importants dans les régiments...
On peut signaler parmi les familles de forgerons et maréchaux-ferrants de Liorac :
Albert dit Alphonse MOUYNAT, né en 1895 (classe 1915), fils d'Antoine taillandier et de Marguerite Boussenot. Son père Antoine Elie était déjà dans la réserve de l'armée active au début de la guerre et n'a donc pas pris part au conflit. Par contre Alphonse a participé à toute la campagne contre l'Allemagne du 17 décembre 1914 au 15 septembre 1919 dans plusieurs régiments d'Artillerie comme canonnier servant. Il fut cité à l'ordre du 2eRI le 18/11/16 : "sous les commandements du Capitaine Ludonne et des sous Lieutenants Camus, Roy, Jantet et Laurey, il a accompagné le 2eRI à l'attaque du 4/7/16. Il a fait preuve pendant cette jounée et les jours suivants des plus belles qualités de bravoure , d'inlassable énergie et de complet mépris du danger. Malgré les pertes très sensibles il a su mener a bien l'opération qui lui était confiée faisant l'admiration de tous." Il fut blessé le 6 septembre 1916 à la bataille de la Somme, attaque de Chilly. Il reçut la Médaille de la Victoire et la Médaille commémorative.
 
Après la guerre de 14, on trouve encore plusieurs forgerons au bourg :
Recensement de 1921 :
Antoine Elie MOUYNAT né en 1867 à Liorac, marié avec Berthe Boussenot (née en 1874 à Liorac).
Albert MOUYNAT (dit Alphonse) né en 1895 à Liorac, avec son épouse Reine LEYGUE et une fille Michelle née en 1920.
Louis MOUYNAT né en 1873 à Liorac, marié avec Marie CHADAU (dite Paulinie née en 1879 à Liorac).
Recensement de 1931 :
Louis MOUYNAT marié avec Paulinie est maintenant noté cultivateur, mais Antoine Elie MOUYNAT marié à Berthe Boussenot(1874) est toujours forgeron. Son fils Albert dit "Alphonse" (1895) marié à Reine Marie Leygue a repris la forge du bourg. Deux enfants sont nés Michelle et Jean. Les temps ont changé, des outils sont maintenant en vente sur les catalogues et le taillandier-forgeron n'est plus aussi indispensable. Mais il est toujours nécessaire de ferrer les bœufs et vaches et le métier traditionnel de maréchal-ferrant continue..
Recensement de 1936 :
Alphonse MOUYNAT est toujours forgeron et maréchal-ferrant : il vit avec son épouse Reine Leygue, ses deux enfants et ses parents Elie (o 1867) et Berthe Boussenot (o 1874). Camille FILEYSANT est commis forgeron. Alphonse MOUYNAT a été le dernier forgeron de Liorac. Il s'est éteint en 1966 après des générations de forgerons. Les lioracois se souviennent certainement du travail à ferrer où les bœufs étaient régulièrement conduits pour changer les fers de leurs sabots. Les enfants qui regardent par la lucarne, la bête inquiète installée et attachée dans le travail, le forgeron qui la rassure, le fer rouge posé sous le sabot, l'odeur de la corne brulée et le forgeron qui plante les clous dans le sabot pour fixer les fers. Le métier a disparu et le silence est retombé...
Après la 2nde Guerre Mondiale, les temps ont changé. Les outils sont maintenant produits en série dans des usines. Les forgerons disparaissent des villages . Les machines agricoles se répandent et les tracteurs ont remplacé les boeufs, c'est le début du métier de mécanicien-réparateur de matériel agricole.

Mais tous ces forgerons qui ont travaillé à Liorac ont laissé des traces dans le village :
• la porte du cimetière : réalisée par Pierre MOUYNAT dit Victor (époux de Jeanne Lafaye). Il a gravé sur le montant de la porte,une inscription maintenant presque effacée par les couches de peinture: ICI LA PORTE DE L’EGALITE, FAITE AU MOIS DE MAI 1881 PAR VICTOR MOUYNAT FORGERON DE LIORAC. (il s'agit bien sûr de l'égalité devant la mort).
• la grande croix devant la porte du cimetière, installée sur un gros socle de pierre plus ancien daté de 1851
• une jolie croix en fer forgé sur la tombe familiale "MOUYNAT-BOUSSENOT". Elle est ornée d'un marteau et d'une pointe et présente une inscription « SOUVENIR D’UNE MÈRE » et une date, 1884
 
mais où se trouvaient tous ces ateliers et forges dans le bourg ?   

@ Marie-France Castang-Coutou
Contact: postmaster*liorac.info (remplacer l'étoile par @)