Où étaient tous ces ateliers et forges
dans le bourg ?

     page mise en ligne le 25 novembre 2022   

Nous venons de rencontrer de nombreuses familles de forgerons, taillandiers et maréchaux-ferrants qui exerçaient dans le bourg de Liorac, aussi bien sous l'Ancien Régime qu'aux XIXe et XXe siècles.

Une question vient naturellement à l'esprit : où se situaient leurs boutiques et ateliers ?

Le bourg de Liorac était probablement bien différent au XVIIe siècle et avant, mais nous n'avons pas de documents pour la période de l'Ancien Régime.

Pour la période "moderne", nous disposons du "cadastre Napoléon" et de la matrice de 1826 qui l'accompagne (Archives de la Mairie de Liorac) puis plus tard des matrices du bâti de 1882 et de celle de 1910. Certes, c'était bien avant le passage de la route qui a nécessité la démolition ou la modification de maisons du bourg.

Pour installer une boutique et un atelier de forgeron, il fallait un local aéré avec une solide cheminée pour installer la forge. Ce local n'était pas pas forcément immense mais devait fournir une place suffisante pour recevoir les clients et pour que les ouvriers puissent travailler.
Le dessin suivant représente un atelier de taillandier.

Source : gallica.bnf.fr / BnF
Encyclopédie ou dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers,
Diderot D'Alembert , Tome 37 planche I.
Une boutique de taillandier : six ouvriers sont au travail, façonnant les pièces de fer .
Une cheminée avec la forge, un baquet pour la trempe des pièces, des enclumes et des outils. La chaîne pendue au plafond actionne probablement un soufflet non visible sur le dessin. On remarque également la potence pour aider à transporter les ouvrages de la forge à l'enclume et de l'enclume à la forge.

 


Voyons ce que peuvent nous apprendre les documents cadastraux qui comprennent :
► le plan cadastral, composé d'un tableau d'assemblage et de grandes feuilles (d'environ de 1m sur 0.75m) correspondant à chaque section de la commune : la commune de Liorac était divisée en 7 sections, repérées par les lettres de A à G. Le bourg qui nous intéresse correspond à la section G.
. ► l'état de section Les parcelles sont rangées par ordre croissant dans chaque section. Ce document n'a pas été remis à jour depuis son origine et il indique donc la situation des parcelles telle qu'elle se présentait au moment de l'établissement du cadastre en 1824, donnant pour chacune le nom et parfois le métier du propriétaire en 1826.
► la matrice cadastrale a été régulièrement mise à jour : de 1826 à 1882, elle regroupe les propriétés bâties et non bâties. Après 1882, les propriétés bâties ont été ajoutées jusqu'en 1910. A partir de 1910, les matrices du bâti et du non bâti sont séparées. La liste alphabétique en tête de matrice pemet de repérer le propriétaire de 1826 et le folio qui lui correspond. A partir de là, les mutations successives sont indiquées sur la matrice et de folio en folio, il est possible de retrouver l'histoire du bâtiment.

Ci dessous, la section du bourg a été redessinée à partir du plan cadastral disponible en double, l'un à la mairie de Liorac et l'autre aux Archives Départementales en ligne : les bâtiments, maison ou bâtiment rural, sont colorés en carmin comme sur le dessin original du cadastre. L'église est en gris, et les parcelles non colorées correspondent à des parcelles non bâties, cour, friche ou jardin.
Pour s'orienter plus facilement, le tracé approximatif de la route a été superposé à ce schéma (pointillés bleus), montrant les maisons qui ont été démolies pour construire cette route terminée en 1863 (la maison en G57 n'a pas survécu aux travaux). Le carré vert marque l'emplacement du Monument aux Morts.

Il est facile de localiser sur ce plan cadastral la forge "Mouynat" en G3 et le tramail en G2. En 1826, ces deux parcelles appartenaient à Dominique PAULHIAC : G3 correspondait à un bâtiment rural de 50 m2 et G2 était à cette époque un jardin. Une maison en G1 et une terre en G4 appartenaient au même propriétaire.

Pour trouver les ateliers ou boutiques de forgerons et de maréchaux-ferrants, il est donc raisonnable de rechercher des "bâtiments ruraux" dans le bourg.

L'état de section permet d'en repérer plusieurs :
■ Cadette CHASSAGNE était alors propriétaire de nombreux bâtiments ruraux au bourg : en G10 100m2, G15 30 m2, G17 une maison rurale de 50m2, G21 20m2
■ Mathieu TEYSSIER, forgeron avait une maison en G12, et une maison inhabitable en G13, un jardin en G26
■ Pauilhac possédait un bâtiment rural en G35.
■ LAMBERT Rigalou avait une maison en G42
■ Jean POUMEYRET avait un bâtiment rural de 40 m2 en G46
■ LASCOUP était propriétaire de deux maisons rurales en G74 et G59, et de trois trois bâtiments ruraux en G66, G76 et G80

En résumé, il y avait donc suffisament de bâtiments ruraux pour installer plusieurs forges dans le bourg . A partir d'un nom de propriétaire, il faut ensuite se reporter aux numéros des folios successifs de la matrice pour connaitre l'histoire du bâtiment et tenter de déterminer s'il a pu abriter un atelier de forgeron ou de maréchal-ferrant. Mais sur ces différents documents cadastraux, on n'a accès qu'aux noms des propriétaires et bien sûr les forgerons ou maréchaux-ferrants pouvaient ne pas posséder leur atelier et être locataires du lieu. Seuls des actes notariés pourraient lever l'ambiguité.
...Voici ce que l'on peut dire du bâtiment rural G46 dans le quartier des échoppes (qui comme son nom l'indique devait rassembler les commerces de Liorac) :
En 1826, c'est Henry PO(U)MEYRET, fils plus jeune (né en 1804 à Liorac de Jean menuisier et Marie MASSERON, mariés à Pressignac en 1797) qui est propriétaire du G46. On perçoit déjà une difficulté que l'on rencontre souvent : sur un document on trouve "Jean" et sur l'autre "Henry" ! En tous cas, cet "Henry" PO(U)MEYRET réside à la forge de Monclard en 1836.
Il possède le G46 jusqu'en 1873, année à laquelle il passe à Mathieu TEYSSIER (là encore le problème de prénom revient puisque dans la lignée des Teyssier que nous avons vue à Liorac, il n'y a pas de Mathieu, mais les enfants d'une même fratrie portaient souvent le même prénom, en général celui de leur grand père, et plus tard s'attribaiant un prénom différent de celui de naissance). Le G46 est une boutique en 1875 et passe vers 1880 à Julien TEYSSIER, taillandier au bourg de Liorac. Celui-ci doit ensuite s'essayer à la fabrique de faiences puisqu'il est noté "maitre de faïence" au bourg. Il doit faire de très mauvaises affaires et perd la plupart des possessions familiales.
En 1898, la boutique en G46 est démolie. Ce ne sont que des bribes de l'histoire d'un bâtiment... et seuls des actes notariés pourraient la compléter.
 

@ Marie-France Castang-Coutou
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