Prénoms révolutionnaires
en Dordogne

La lecture des registres d'état civil apporte parfois bien des surprises ! Devant une anomalie, on hésite, on relit, on s'étonne, puis on essaie de comprendre...
C'est le cas des registres des naissances de Limeuil pendant la période révolutionnaire:
LIMEUIL :
Jusqu'en février 1794, les enfants furent normalement prénommés Antoine, Jean, Joseph, Pierre, Jeanne, Françoise, Marie ou Marguerite, mais passée cette date, les choses se sont gâtées et pendant presqu'un an, les nouveaux-nés reçurent de curieux prénoms, noms de fleurs, d'animaux ou d'outils qui correspondent aux noms des jours du calendrier de FABRE D'EGLANTINE. On peut se souvenir que cette année 1794 correspond à la période de la Terreur et des exécutions massives. Il est possible que certains officiers d'Etat Civil, quelque peu inquiets, aient fait pression sur les parents pour choisir des prénoms dans la ligne révolutionnaire !
Voici la liste des enfants garçons (M) et filles (F) qui n'ont pas eu de chance à Limeuil !
Durant l'AN II :

et cela continue en l'AN III :

Après cette dernière date, les nouveaux nés ont à nouveau reçu les prénoms traditionnels.
Ces prénoms agricoles ou parfumés sont restés rares et Limeuil constitue l'exemple le plus important que j'ai trouvé en Dordogne.

et pendant ce temps là, que se passait-il à Liorac ? Heureusement cette mode n'a pas fait tâche d'huile et à Liorac les officiers d'Etat Civil ont été suffisamment raisonnables pour ne pas imposer ces prénoms ridicules. Ainsi pendant la période de validité du calendrier républicain, les nouveaux-nés de Liorac furent nommés avec des prénoms usuels et durant l'an II, on trouve à Liorac 14 Jean, 2 Hélie, 1 Guillaume et 1 Etienne et pour les filles, 4 Marie, 2 Marguerite, 2 Jeanne, 1 Catherine, 1 Marthe, 1 Pétronille, 1 Anne, 1 Peyroune et 1 Toinette .

Dans les villages à proximité de Liorac,on trouve parfois un exemple isolé de prénom révolutionnaire mais jamais une série comme à Limeuil. Ainsi à Beaumont, une Catherine-Unité est née le 4 dec de l'an II, et un Egalité Rivière le 18 ventose de l'an II. A Monpazier, Bourache Boucher naquit le 23 floreal an II, et Crible Lafage en ventose de l'an 2.

Par contre le cas de Bergerac est intéressant. En effet, dans ce qui était la grande ville de la région, beaucoup d'enfants naturels étaient abandonnés et les officiers publics devaient les inscrire sur les registre en leur donnant un prénom (suivi de N pour "nommé"): ces enfants abandonnés reçurent presque tous un prénom non traditionnel, issu d'un personnage historique de l'histoire de France ou de l'Antiquité, ou d'un nom d'un mois ou d'un jour du calendrier républicain (mais pas forcément celui du jour de naissance).

En voici quelques uns (liste non exhaustive) :
Malgré cette imagination débordante pour choisir un prénom pour les enfants abandonnés, on trouve plusieurs cas d'enfants, nés le même jour et nommés avec le même prénom. On peut se demander comment cela s'est passé pour les distinguer plus tard, lorsqu'ils ont voulu contracter mariage.

Il est à noter que seuls les enfants abandonnés, donc sans nom, portent ces prénoms "originaux", sans doute un moyen supplémentaire pour les montrer du doigt.