3- Les croix de fonte

Page mise en ligne le 6 septembre 2020         

 
LES CROIX DE FONTE
Au début du XIXe siècle, le développement des connaissances métallurgiques a permis d'obtenir une fonte liquide utilisable pour la coulée de pièces de fonte. De nombreux objets utilitaires ou d'ornement furent ainsi produits par moulage : les croix funéraires en faisaient partie. Elles étaient proposées sur catalogue par différentes fonderies d'art, essentiellement des régions de mines de fer du Nord-Eest de la France et du Val de Loire . Le développement du chemin de fer dans la deuxième partie du XIXe facilitait la livraison de ces objets lourds dans toute la France.
Parfois les fonderies apposaient leur marque sur le pied de la croix, mais je n'en ai pas trouvé à Liorac. La seule façon d'identifier l'origine d'une croix est de la comparer aux catalogues des fonderies de l'époque, catalogues qui sont rares et difficiles à trouver. Seul un spécialiste tel que Mr Pierre MARTIN pouvait faire cette recherche : il a gentiment accepté de m'aider, c'est un énorme travail et je tiens à le remercier très chaleureusemnt d'avoir pris le temps de rechercher l'origine des croix de Liorac.

■ Fabrication des croix : Les croix les plus fréquentes sont des croix plates ajourées (elles nécessitaient moins de matière que les croix pleines et étaient plus faciles à réaliser). Pour obtenir une croix en fonte de forme plate, on préparait d'abord un modèle sculpté dans du bois dur avec lequel on faisait une empreinte en creux dans un mélange argilo-sableux, puis le métal en fusion était versé dans cette empreinte. Il était ainsi possible de couler plusieurs exemplaires à partir du même gabarit de bois.
Les décors des croix étaient multiples : motifs géométriques, motifs floraux et bien sûr motifs religieux. Cette diversité de décors a permis aux différentes fonderies de proposer sur leurs catalogues des milliers de modèles différents : ainsi, dans le cimetière de Liorac, les croix sont presque toutes différentes, même si on retrouve les mêmes éléments décoratifs dans plusieurs modèles. On trouve des croix avec avec des motifs géométriques, du feuillage (souvent du lierre) et des fleurs, avec au centre, un Christ, une Vierge ou aucun motif. Des rayons de lumière partant du centre de la croix vers les points cardinaux indiquent le rayonnement sur le monde. Souvent deux anges ailés se trouvent au bas des croix. Les différents personnages ont été parfois moulés séparément puis fixés par soudure ou rivetage sur la croix.

■ Origine des croix de fonte : L'importance de l'industrie sidérurgique du Périgord à la fin du XVIIe et au début du XVIIIe siècle est bien connue. A cette époque, les forges étaient nombreuses dans la région. car tout était favorable à cette industrie : il y avait du minerai de fer, de nombreux ruisseaux qui fournissaient l'énergie hydraulique nécessaire pour actionner les marteaux et beaucoup de forêts utilisées de façon intensive pour prépauer du charbon de bois pour chauffer les hauts fourneaux.
Le Périgord a été au moins depuis la révolution célèbre pour ses forges et on pourrait penser que les croix faisaient partie d'une production locale, mais ce n'est pas le cas. En effet les forges du Périgord se sont arrêtées bien avant cette "mode" des croix de fonte : après la signature en 1860 du traité de libre-échange avec l'Angleterre, les forges du Périgord n'ont pas pu se moderniser pour lutter contre la concurrence et elles ont peu à peu disparu. A l'inverse, les forges du nord et de l'est de la France, plus modernes et mieux équipées et surtout avec le charbon comme source d'énergie ont pu résister à ces nouvelles données du marché et... fabriquer ces superbes croix de fonte.

■ Voici les fonderies dont on trouve les productions dans le cimetière de Liorac :
Fonderie A. Corneau (puis Paillette et Deville) à Charleville-Mézières (Ardennes)
Fonderie de Bayard et de Saint-Dizier (Haute Marne)
Fonderie de Brousseval (Haute-Marne)
Fonderie Durenne à Sommevoire (Haute-Marne)
Fonderie Salin à Dammarie-sur-Saulx (Meuse)
Fonderie Denonvilliers à Sermaize-sur-Saulx (Marne)
Fonderie de Rosières (Cher).

■ Le prix des croix: Les tarifs étaient établis en fonction du poids de fonte (prix pour 100 kg) et modulés suivant la taille de la croix : en effet, les prix étaient un peu plus élevés pour des petites croix qui demandaient autant de travail qu'une plus grande, mais qui dégageaient moins de profit qu'une plus lourde.

Voici l'exemple du catalogue de la fonderie ROSIÈRES 1913 :


Au prix de la croix brute devaient se rajouter le prix de personnages supplémentaires et de l'émaillage si demandés (prix x 2,5 pour l'émaillage), et bien sûr les frais d'emballage en caisse de bois et de transport. Ensuite, il fallait payer le maçon pour la mise en place. Au total, acheter une croix de fonte pour la tombe de sa famille nécessitait une somme non négligeable, qui cependanrt restait accessible à de nombreux foyers, comme en témoigne le nombre élevé de croix de fonte dans le cimetière du village.

■ Scellement des croix : Les croix étaient lourdes et devaient être fixées solidement sur les stèles de pierre : on creusait la pierre et on plaçait le bas de la croix dans la cavité qui était ensuite remplie de plomb liquide ou le plus souvent de soufre fondu (moins cher que le plomb). Le soufre faisait l'équivalent d'un scellement chimique en liant la pierre et le fer.

@ Marie-France Castang-Coutou
Contact: postmaster*liorac.info (remplacer l'étoile par @)